A la ferme Potier, la nature semble en paix, respectée, comprise. Ceci est la victoire patiente d’un humain qui a su transformer sa foi en la nature en une véritable démonstration scientifique. Faisant mentir les pronostics pessimistes de ses voisins, voilà maintenant vingt-deux ans qu’il produit fruits et céréales à Goudourville, Tarn-et-Garonne. D’une manière toute personnelle, mais qui peut donner à penser à chaque cultivateur. Car cultivateur il l’est, exclusivement. Pas la moindre trace d’élevage sur son exploitation. Un choix qui a conditionné à la base les méthodes de travail de ce végétarien et agriculteur bio de longue date. Sans bétail, pas de fumier. Or, A. Potier souhaitant pratiquer « une agriculture autonome au maximum » refuse l’idée d’acheter des fertilisants, même biologiques. Seule solution, la paille et donc un blé haut qui en fournisse en grande quantité. Il pratique aussi la jachère tournante (luzerne laissée sur place).
Aujourd’hui, il produit sans irrigation ni aucun fertilisant 40 à 50 quintaux de blé à l’hectare dans une région où la moyenne est de 60 quintaux. Grâce à un travail patient et passionné de sélection. Première étape dans cette aventure génétique, en 1974 un salon d’agriculture biologique à Grenoble. « Il y avait, raconte A. Potier, un bouquet de blé sec avec de très beaux épis. J’ai réussi à retrouver le producteur. Il s’agissait d’un blé Pechvèque. En me le donnant, il m’a dit : attention, il n’est pas pur, il y a d’autres variétés mélangées. Le Pechvèque n’était pas, à l’expérience, adapté à ma terre, il s’échaudait. Mais au milieu se trouvaient effectivement des épis d’autres variétés. J’en ai reconnu une que j’avais cultivé en 1960 : le Talisman. »
C’est à partir de ces premiers épis de Talisman qu’A. Potier va faire un travail de sélection : La première année, il choisit une plante et sur celle-ci le plus bel épi dont il sème les grains du centre. La seconde année, il ressème la totalité de cette première production, etc.. La cinquième année, toute sa récolte de blé (5 hectares) est issue de ce premier épi. Cinq hectares d’un beau blé, productif, haut comme un seigle et fournissant donc beaucoup de paille pour nourrir la terre. Il est légèrement plus tardif (une dizaine de jours) sans que cela pose problème « parce qu’il est résistant à l’échaudage ». « Il commence doucement. En avril, il semble avoir un mois de retard qu’il rattrape vite lorsque arrive la chaleur. » Comble d’ironie, à cette période il devient « bleu » comme un blé qui aurait reçu de l’azote. Il est peu gourmand en eau et même l’an dernier, malgré la forte sécheresse, il a bien poussé. Dans ces conditions de culture – sans eau ni fertilisant – le « Talisman-Potier » a un excellent rendement, comparé à d’autres variétés placées dans ces mêmes conditions.
A. Potier a refusé de participer au programme d’irrigation sur son secteur. La suite lui a donné raison car l’irrigation endettât beaucoup ses voisins qui eurent des difficultés à continuer leur activité.
L’exploitation a 25 hectares de Surface Agricole Utile (dont 5 en location) : Cinq hectares de blé, autant d’orge, avoine ou tournesol. De la luzerne de semence. Des fraises et des cerises. Deux hectares de noisetiers, un hectare de noyers (bois et fruits) et 1,3 hectares d’amandiers. Le tout en agriculture biologique (mention FESA), ce qui permet de retirer un meilleur prix des produits. Le revenu dégagé se situe entre 11 000 et 13 000 euros par an (valeur 92), avec un emprunt finissant de 1 500 euros d’annuité, fait pour l’achat de la propriété.
Amandes, noisettes, noix, sont commercialisées en vente directe et leurs acheteurs demandent souvent de « vraies » pommes. A. Potier est donc en train de rechercher une variété de pommier qui, elle aussi, corresponde « à sa façon de travailler » : qui ne nécessite pas d’échelle pour le ramassage, mais à racines profondes et qu’il plantera à bonne distance. « Je vais pratiquer un double greffage, le premier sur un porte-greffe à racines puissantes, le second sur un porte-greffe à faible végétation. »
Les prochaines plantations de cerisiers aussi, il compte bien les faire avec un produit de la sélection maison qui ne nécessite pas d’échelle pour la cueillette. Il travaille d’autre part sur les pruniers : « l’INRA greffe des amandiers sur des pruniers. La prune est connue pour résister au sec, mais pas autant que l’amandier. Je vais donc faire l’inverse pour faire bénéficier les prunes de cette qualité de l’amande. »
La fertilisation des sols en agriculture végétalienne
La fumure organique à l’engrais vert ou avec de l’humus constitue une excellente méthode pour obtenir des légumes de bonne qualité. L’engrais vert s’obtient à partir de plantes cultivées dans le seul but d’enrichir la terre. Pour cela, on choisit par exemple le trèfle incarnat, la luzerne, la vesce, ou la moutarde. L’humus, lui, est une épaisse couche de substances végétales en décomposition qui recouvre le sol. Son rôle consiste à nourrir la vie du sol tout en protégeant celui-ci des rigueurs climatiques (sécheresses ou violentes précipitations).
Outre l’engrais vert, l’humus, et bien sûr le simple compost de produits végétaux, on a également la poudre de roche et le fumier de déjections humaines comme sources de matières nutritives. S’il est bien composté, le fumier de déjections humaines (végétaliens) ne représente qu’un très faible risque pour la santé publique et est nettement moins dangereux que l’utilisation à grande échelle de toutes sortes de fumiers et purins provenant des animaux d’élevage. Les déchets de digestion humains, contiennent d’importantes matières nutritives pour les plantes. Pour le maintien de l’équilibre de la chaîne alimentaire, il est nécessaire de restituer au sol, les éléments utilisés pour les cultures. Savoir que du compost de déjections humaines est utilisé pour fertiliser les sols peut provoquer des appréhensions, pourtant des humains paient plus cher une alimentation « biologique » fertilisée avec des déjections d’animaux non-humains. Où est la différence fondamentale ? Actuellement, d’ailleurs, des boues de stations d’épuration sont déjà utilisées dans l’agriculture intensive. Hélas, ces boues contiennent d’autres produits que des déjections d’humains comme des métaux lourds et ceci est un problème.
L’agriculture vegan peut très bien utiliser des engrais azotés de synthèse dans le cas où ils ne contiennent pas de produits d’origine animale, de même que toutes préparations ne contenant pas de produits animaux, non-testées sur les animaux et n’entraînant pas la mort d’animaux. Seuls des insecticides pouvant tuer des insectes sont parfois utilisés en agriculture intensive (les herbicides tuent les herbes et les fongicides préviennent les maladies ainsi que le développement de champignons microscopiques). Ils pourraient être remplacés par des répulsifs par exemple. Des produits destinés à tuer des animaux ne sont généralement pas utilisés, si ce n’est pour protéger les récoltes stockées. Là aussi des répulsifs peuvent être utilisés, ainsi que des bâtiments en bon état, n’offrant aucun abri et possibilité d’entrer aux animaux.
Toutefois, le travail des sols et les récoltes mécanisées peuvent tuer des animaux et des insectes par accident. Des méthodes ne nécessitant pas de travail des sols (notamment, méthode de M. Fukuoka : enrobage des graines dans des boulettes de terre et succession de cultures particulières sur les champs) et des méthodes de récoltes plus attentives (manuelle) peuvent être imaginées. Il serait actuellement difficile de les développer. Le plus simple serait de consommer uniquement des produits d’arbres (fruits et noix) qui ne nécessitent pas de travail du sol, si ce n’est lors de la plantation. Dans ce sens l’alimentation frugivore peut trouver une justification.
Même s’il n’est pas interdit de réfléchir, il est clair qu’un mode de vie ne provocant aucune destruction de vie d’animaux ou d’insectes est un idéal, il faut bien le garder à l’esprit. Nous ne pouvons que tendre vers ce but, en faisant avec les moyens disponibles actuels. Il existe dans tous les cas une grande marge entre n’avoir d’attention que pour sa propre personne, se moquer éperdument des animaux tués (aussi bien que de l’environnement) et faire son possible pour promouvoir un mode de vie le plus vegan possible.
L’énergie verte : non-polluante et renouvelable.
On parle régulièrement de l’énergie à base végétale, utilisable aussi bien pour le chauffage que comme carburant. L’éthanol, essence sans plomb avec adjonction d’alcool végétal, (provenant essentiellement de la betterave) semblait abandonné pour cause de prix de revient prohibitif, mais l’Association française pour le développement de l’éthanol-carburant vient de le relancer en créant un comité de promotion avec des associations belge, allemande et néerlandaise. En effet, la commission européenne veut encourager les usages non-alimentaires des produits agricoles. Certes pour obtenir un carburant d’un prix de revient égal à celui du pétrole, il faudra subventionner, mais ces subventions ne coûteront pas plus cher que celles compensant la vente à bas prix des excédents européens de blé, d’orge, de maïs, de seigle. Le carburant vert peut être produit sur des terres en friche et d’autres non rentables mises en jachère. Il permet des économies de devises, augmente l’indépendance par rapport aux pays producteurs de pétrole, et ne pollue pas l’atmosphère.
Un ingénieur allemand a mis au point un moteur qui fonctionne aux huiles végétales issues du colza, tournesol, soja, palme, coton, ricin et bien d’autres puisque 2000 plantes seraient aptes à produire ces huiles dont la valeur énergétique est égale à celle du gazole. Le moteur à huiles végétales s’apparentant à un diesel. Si l’on en croit les essais, ces carburants permettent aussi d’importantes économies de consommation. Faute de carburant végétal, le moteur accepte le gazole. Si rouler à l’huile de colza paraît séduisant, il ne semble pas que l’agriculture européenne puisse fournir assez de végétaux pour remplacer la totalité du pétrole consommé annuellement (note : peut-être qu’avec une population végétalienne, des moteurs optimisés pour consommer le moins que possible, des limitations de vitesse plus strictes, des transports en communs plus accessibles, etc., cela ne serait pas si impossible !). Mais l’enjeu dépasse nos frontières et le carburant végétal permettrait à des pays du tiers-monde, qui n’ont pas les devises indispensables à l’achat de pétrole, de développer leur industrie en produisant leur carburant vert. Une plante tropicale comme la purghère peut pousser dans des régions désertiques très chaudes et produire d’importantes quantités d’huile.
Les organisations internationales devraient faire avancer rapidement la production de carburant végétal et celle des moteurs leur convenant, car on se préoccupe beaucoup des conséquences de l’industrialisation future de pays géants comme la Chine, l’Inde, le Brésil. Les importants rejets supplémentaires de gaz carbonique des usines ou des automobiles accentueront la pollution de l’atmosphère, déjà inquiétante. Or, le carburant végétal ne produit pas de gaz carbonique, n’accentue pas l’effet de serre responsable du réchauffement de l’atmosphère. D’autre part, les gisements de pétrole s’épuisent. Il faut déjà aller le chercher au fond des mers, à grande profondeur, ou dans des lieux difficiles d’accès comme l’Alaska. Tandis que le carburant végétal est une énergie renouvelable. L’éthanol a déjà trouvé son utilisation au Brésil où il représente 60% de la consommation de carburant. Aux Etats-Unis, on consomme 1,5% d’éthanol issu du maïs. Le gouvernement américain qui réduit ainsi ses excédents de maïs a dû prendre en charge 50% du prix. La France en est aux balbutiements. L’INRA travaille sur la création de betteraves-alcool. Les constructeurs automobiles sur les moteurs. La Régie Renault a fait venir des moteurs à alcool du Brésil pour en équiper quelques voitures expérimentales. On progresse lentement mais le jour où la commercialisation entrera vraiment en action, les voitures roulant à l’énergie verte pourraient se multiplier. Avec pour perspective l’adieu aux coûteux pots catalytiques.
Végétal ou non, nous sommes encore dans le domaine du carburant classique. Dans le futur, le carburant pourrait être l’hydrogène et on utilisera des plantes pour le produire : Les plantes assimilent le carbone contenu dans le gaz carbonique de l’air et avec l’eau qu’elles contiennent, fabriquent des hydrates de carbone, c’est ce qu’on appelle la photosynthèse. En échange, elles rejettent de l’oxygène. Grâce à la photosynthèse, les chercheurs ont pu aussi obtenir de l’hydrogène : Dans les plantes, les photons venus du soleil se heurtent aux molécules de chlorophylle et excitent leurs électrons. L’énergie de ces derniers, casse les molécules d’eau en molécules d’oxygène et d’hydrogène. Certaines substances organiques présentent les mêmes propriétés. Ainsi les algues bleu vert renferment un enzyme appelé « hydrogénasse » qui leur permet de produire de l’hydrogène de façon continue. Les recherches se poursuivent en laboratoire. Pour le moment, on récupère si faiblement cet hydrogène qu’on est loin de l’application industrielle. Les chercheurs ont toujours bon espoir d’arriver à extraire les produits catalyseurs de l’hydrogénase sans avoir besoin des algues. On verra peut-être un jour d’étranges machines qu’il suffira d’alimenter en végétaux pour obtenir avec simplement un peu de lumière solaire, cet hydrogène qui devrait être le carburant performant, écologique, et bon marché de l’avenir. |
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