A toi, Frank Gesret, petit frère dont le sacrifice n'aura pas été vain…
A toi, Jacques Gesret, que je dois appeler "mon second père"... Je n'ai pas d'autres mots…
A toi, Erwin, qui m'a "re"mis au monde...
A vous, Berotec-Duovent-Ventolin, pour votre aide incomparable… mais nos vies vont diverger aujourd'hui !
A toi, Jacques X, mon pneumologue, pour ton soutien indéfectible durant 20 ans, et pour m'avoir donné la dernière clé du paradis…
A toi, le "petit David" que j'ai été, en ton souvenir...
Et à vous tous, les "petits David" de par ce monde, en attendant avec impatience votre arrivée au rêve éveillé...
David Waiengnier le 20/12/2004
A vous tous je dédie cette histoire…
L'histoire d'un homme né deux fois ! L'homme que je suis aujourd'hui commence en effet une nouvelle vie !
Je suis véritablement "rené" le 15 septembre 2004 ! Et c'est vraiment une nouvelle existence, un paradis, un rêve éveillé qui s'ouvre devant moi !
A 40 ans, je me faisais une raison et je pouvais vivre sous une médication permanente.
Certes, c'était gênant et contraignant, mais ô déjà combien extraordinaire par rapport à ce que j'avais vécu dans mon enfance.
Car à cette époque, ces sprays pour asthmatiques, tant décriés mais que j'ai tant bénis durant 20 ans, n'existaient pas… ou qu'on n'en donnait pas aux enfants, je ne sais !
Le calvaire
Je suis devenu asthmatique vers mes 3 ans. Malgré moi bien sûr ! Pourquoi ? Et "pourquoi moi et pas les autres" d'ailleurs me demandais-je souvent du haut de mes 3 pommes !
Toutes ces années d'enfance se ressemblèrent.
Mais être asthmatique à cette époque, c'était quoi ? C'était tout d'abord ne pas être comme tout le monde, malgré les apparences !
De prime abord, j'étais seulement un peu bizarre.
Avec les autres enfants, malgré mes envies, je devais souvent refuser de jouer certains jeux...
En effet, je redoutais de courir, j'avais peur des montées, des escaliers trop longs. En vélo, je roulais comme une tortue...
Chez les amis, tous les jeux de cache-cache dans les caves, les greniers, sous les lits, les endroits poussiéreux étaient interdits. Toute course, tout jeu un peu trop agité aussi.
J'avais même peur de... trop rire aussi ! Angoissé d'être chatouillé par les autres enfants, paniqué à l'idée d'être pris et plaqué au sol dans une joyeuse mêlée...
A la maison, ma chambre était spéciale : pas de tapis, un seul ours en peluche... Pas un grain de poussière… Mon lit, mon oreiller, mes couvertures, mes pulls : tout était 'synthétique' !
Je ne pouvais pas non plus aller chez les gens qui avaient des animaux. Je devais fuir les chiens, les chats…
Je redoutais aussi tout séjour ailleurs que dans ma maison, toute nuit dans un lit autre que le mien, toute couverture qu'on aurait pu mettre sur moi, tout départ en vacances...
J'étais de fait souvent rejeté pour pas mal de jeux et mis à l'écart. Un isolement dur à vivre pour un enfant…
Pourquoi toutes ces angoisses et toutes ces peurs ? Car c'était avoir peur... tout le temps, tous les jours... Peur mais de quoi !
De la CRISE, pardi !
La crise
La CRISE… Elle venait souvent à cause d'une "erreur" de ma part !
J'avais relâché mon attention quelques secondes et m'étais laissé emporter dans l'enthousiasme d'un jeu à courir après un petit copain... J'avais soulevé de vieux tissus, de la poussière…
Cela commençait subitement par des sifflements dans la respiration... Une oppression, une difficulté à respirer… Un peu comme quand on a couru et qu'on est essoufflé… à la différence que là, on ne retrouve pas son souffle…
Soit cela se calmait lentement, en un bon quart d'heure, si je ne bougeais plus et me voûtait les épaules… soit cela ne se calmait pas et empirait tout doucement… Là, c'était mal parti…
Cela pouvait être aussi un autre type "d'erreur" : j'avais laissé mon manteau entrouvert et j'avais attrapé un petit mal de gorge, ou un simple rhume… Là, la finale était toujours identique !
Cela dégénérait en tragiques quintes de toux, toutes les 10 minutes !
De longues quintes interminables de 10 à 15 secondes desquelles je sortais presque asphyxié, les yeux écarquillés de panique de ne pas retrouver le minimum vital de respiration...
Et entre ces quintes, je respirais difficilement, avec effort, en sifflant, voûté avec les yeux enfoncés dans les orbites…
Et cela ainsi durant des heures… pendant 2 à 3 jours…
3 jours horribles...
C'était aussi les parents excédés par ces toux et ces sifflements incessants et qui râlaient ferme : "Ca y est, c'est reparti, encore la crise ! C'est gai !"
C'était ensuite les suppositoires de théophylline, administrés toutes les 8 heures, souvent sans ménagement, avec aussi parfois une claque en prime sur les fesses et les quolibets de ma sœur...
La respiration se dégageait un peu sous l'effet du médicament mais gare au moindre mouvement trop brusque ! C'était aussi les sirops infects pour la toux et les poudres homéopathiques…
Les journées se passaient, à marcher à pas lents et comptés, à éviter l'escalier, à éviter de porter des choses lourdes, avec toujours cette respiration sifflante pendant des heures…
Le soir et les week-ends, j'étais souvent prostré dans un fauteuil, dans mon lit, à éviter tout mouvement inutile, les épaules voûtées essayant d'oublier par le jeu ou la lecture cette chape sur les épaules et ce sifflet dans les bronches.
Si je devais aller à l'école, j'étais cloué en classe : pas de récréation, pas de gymnastique, pas de natation, sous le regard indifférent ou narquois des autres enfants…
Mais l'horreur sans nom, c'était les nuits !
La nuit, elle commençait recroquevillé à quatre pattes dans mon lit, dans un mouvement de balancement de gauche à droite, effectué des heures durant…
Pourquoi ? Je ne l'ai jamais su mais c'était le seul soulagement possible !
Mes parents devenaient fous ! Les voisins demandaient s'il y avait une "machine" qui fonctionnait la nuit car mon lit grinçait à cause de ces mouvements ! J'en ai d'ailleurs cassé plusieurs ! Ils ne résistaient pas ! J'aurais du me faire engager par un testeur de meubles !
S'ajoutait alors la difficulté de bouger en essayant de ne faire aucun bruit... sinon mes parents me tombaient dessus et c'était l'engueulade assurée, en plus de la crise !
Parfois je pouvais m'arrêter de bouger. Je me mettais alors en chien de fusil pour récupérer quelques minutes de sommeil mais la position devenait vite intenable et irrespirable. Il fallait alors lutter contre le sommeil et reprendre la position à 4 quatre pattes et cet infernal mouvement de balançoire…
A chaque quinte de toux, c'était la panique animale de ne pas en sortir et d'étouffer !
La nuit, c'était aussi le regard implorant vers mon réveille-matin à scruter ces petits points lumineux verts pour voir l'heure… à attendre le matin durant des minutes interminables, tellement longues… à prier que ce foutu matin arrive…
Le matin, qui annonçait le sommeil… Le sommeil qui arrivait vers 5 heures du matin, pour 2 ou 3 petites heures ! Phénomène d'une augmentation de concentration dans le sang d'une forme de cortisone naturelle…
Mais le petit matin, c'est aussi le moment où beaucoup de gens meurent paraît-il... Ce que je savais aussi ! Et qui ajoutait à la peur de s'endormir… définitivement ! Mais la fatigue était telle que je finissais toujours par sombrer quelques minutes.
Pauvre petit bonhomme seul dans ces nuits horribles… Je ne t'oublierai jamais !
Cette solitude de la nuit était terrible. Jamais je n'ai eu une parole ou un regard de compassion de mes proches... Au contraire, c'était de sourds reproches, comme si je le faisais exprès ! Je portais cela comme une véritable malédiction !
Ces nuits étaient… brrr… je n'ai pas de mots assez forts…
Je me souviens aussi qu'à chaque crise, je vivais dans l'impression que je ne survivrais pas à la nuit… Terrible comme sensation ! Presque celle d'un condamné à mort qui attend sa grâce !
Et ce sentiment était toujours d'actualité il y a peu…
La crise se terminait généralement vers la fin du troisième jour. La respiration redevenait doucement normale…
Les 2 à 3 semaines qui suivaient alors se passaient au ralenti, comme sous anesthésie.
Car le moindre faux pas, le moindre refroidissement, la moindre petite marche trop rapide, etc. et c'était la rechute ! La crise redémarrait pour plusieurs jours…
Ces crises, je les ai vécues jusqu'à mes 16 ans. A raison de 4 à 5 fois par an.
Vous faites le compte : 5 crises de 3 jours, plus 3 semaines à récupérer chacune... et vous avez le tiers de l'année dans un état second…
Entre les crises, la vie n'était pas toujours très rose
Un adulte peut relativiser mais pas un enfant !
A l'école, pas question de jouer au ballon, de jouer à touche-touche, aux courses chaînes, de courir. Pas de foot, pas de basket, pas de volley, de balle-chasseur...
C'était systématiquement la mise à l'écart. C'était rester dans un coin de la cour de récré avec parfois un autre compagnon d'infortune dans le même cas.
Le rejet dans les jeux : "Pas lui !".
C'était aussi le regard de pitié ou même aussi méprisant des profs de gymnastique pour cet enfant souffreteux qui s'épuisait en 2 minutes et était incapable de suivre le cours, qui ne pouvait pas nager non plus car il coulait après 10 mètres, presque asphyxié.
Encore et toujours le rejet quand on formait des groupes. Les chefs d'équipe qui choisissaient un par un leurs équipiers… J'étais toujours le dernier, jamais choisi, attribué de "force" à la dernière équipe, qui râlait sec d'avoir ce "nul" avec eux !
Les mouvements de jeunesse, on oublie ! Pas un seul où l'on joue sans courir !
Les vacances aussi, c'était un calvaire. J'avais la chance de partir en vacances avec mes parents, pas très loin, à la côte, où ils louaient des appartements vieillots avec des literies qui pour moi étaient infernales.
La crise survenait systématiquement si je me risquais dans ces lits avec des couvertures en laine et remplis d'acariens. Combien de nuits n'ai-je alors passé assis à une table, la tête sur un oreiller, ou à dormir sur des canapés froids, à frissonner sous un simple drap car pas question de dormir dans un canapé en tissu, ou d'être emmitouflé dans une couverture, en laine bien sûr…
Adolescent, j'ai pris l'habitude du sac de couchage mais enfant, je ne pouvais que subir sans trop savoir ce qui me tombait dessus !
Il y avait une consolation quand même : la nuit, je voyais parfois de superbes orages sur la mer!
Puis, j'entrai à la "grande école"…
Reculer pour mieux sauter
En grandissant, les crises s'espacèrent. Je vivais aussi de façon à ne rien déclencher !
Par contre, je devais souvent commencer mes nuits à quatre pattes dans mon lit… et parfois reprendre cette position en pleine nuit avec ces balancements déments pour une heure ou deux.
On passa mon lit au Tymasil aussi : produit qui tuait les acariens des literies… Aucun effet sur mon asthme... Heureusement que c'était un échantillon que j'avais reçu d'un médecin, car à 250 Euros le traitement…
Mais cela s'améliorait. Je me suis même risqué à une excursion en vélo vers 14 ans ! Bien m'en a pris ! Je fus surnommé "Vélo 10 vitesses à freinage permanent" ! J'ai fini dans la voiture balai, avec le responsable qui me considérait comme un comédien, quelqu'un qui exagérait, un tire-au-flanc !
Combien de fois n'ai-je ainsi été méprisé, vu comme un fainéant, un manipulateur…
Après ce fut l'angoisse des filles. Quelle serait celle assez folle qui voudrait d'un asthmatique ? Une autre asthmatique me disais-je… On ferait la paire !
Mais avec le temps, mon asthme diminua et à part éviter de courir et fuir les lieux poussiéreux, je pus mener une vie à peu près normale. Je pus même faire de la spéléo et de la randonnée en montagne, à mon rythme certes, mais c'était déjà un bonheur !
Mais gare au moindre mal de gorge ! Car c'était systématiquement la bronchite au bout du chemin, combiné à la crise. Ces maux de gorges qui dégénéraient furent le seul motif de mes crises à cette époque…
Bérotec, mon ami, mon frère…
Hélas vers 18 ans, au lieu de l'asthme qui parfois disparaît spontanément à cet âge, ce fut la rechute ! Je me retrouvais oppressé tous les soirs. Après quelques mois, cela se confirma : oppression, puis crise. Je retrouvais toutes les sensations de l'enfance.
Ce fut l'époque du Médrol, de la cortisone. Heureusement, ce fut aussi la rencontre avec mon pneumologue. Et les traitements commencèrent.
Comprimés de Zaditen et gélules de Théo 2 ! Tous les jours ! Sous peine de voir la crise arriver dans la nuit ! J'en ai avalé une quantité incroyable ! J'arrivais même à les avaler sans eau car je ne choisissais pas toujours l'endroit ou l'heure !
Ce fut ensuite tous les tests d'allergie : les fameuses petites griffes sur le bras, suivies des éruptions allergiques. Puis les traitements de désensibilisation : une piqûre tous les 15 jours durant 2 ans.
Mais un beau soir vers 20 ans, je pus subitement me débarrasser du Zaditen et du Théo 2 ! J'ai dormi sans les prendre ! Le médecin a simplement conclu à l'efficacité du traitement de fond !
Moi, j'avais une autre théorie : je m'étais réconcilié le jour même avec une petite amie ! Le début des prises de ces médicaments, c'était environ 4 mois après notre rupture (malgré ce décalage, cette rupture a dû être l'élément déclencheur, à retardement.). Plus psychosomatique que cela tu meurs ! Une piste que j'analysai plus tard...
La vie reprit, plus simple, toujours sans courir, sans poussière, et en montant les escaliers à l'aise !
Quelques mois après, ce fut l'armée et le conseil de révision. Certains simulaient l'asthme pour échapper à leur service militaire.
La technique pour dépister les simulateurs des vrais asthmatiques était simple : on vous plaçait dans une cabine étanche et on envoyait un gaz... Si vous sortiez avec une respiration sifflante ou une crise, c'était clair !
La cabine avait une très mauvaise réputation. Une de mes connaissances en avait fait l'expérience et cela avait déclenché une crise carabinée chez elle. Elle avait failli en mourir.
Mon cousin, asthmatique aussi, a vu son état général s'aggraver considérablement après son passage dans ce caisson et en paie encore visiblement les conséquences 20 ans après… Et des bruits disaient qu'il y avait parfois des "accidents". Bonjour l'angoisse !
J'ai essayé d'éviter la cabine car elle me terrorisait. Mon pneumologue rédigea une ordonnance pour qu'on ne mette qu'une dose minimale de gaz pour commencer.
En sortant de la cabine, un médecin écoutait les bronches siffler avec un stéthoscope. Il était à 4 mètres de moi quand je suis sorti de la cabine… Il n'a pas eu besoin de son appareil pour m'entendre siffler et suffoquer ! Et ses collègues dans la pièce d'à côté non plus !
Heureusement que je n'ai eu que cette petite dose ! Je n'ose imaginer le résultat avec une dose "normale".
La vie continua : je devais toujours surveiller mes faits et gestes pour ne pas déclencher de crises. Et parfois dormir à quatre pattes… Gênant quand on a une vie active…
On me proposa les premiers sprays broncho-dilatateurs : les fameux "puffs" en jargon !
Bérotec… Quelle invention extraordinaire !!! Que n'avais-je eu cela plus tôt ! Un "puff" et les essoufflements disparaissaient dans la minute !
Ces sprays m'amenèrent un confort de vie inimaginable jusqu'alors !
Au début, je les prenais de temps à autre mais bien vite j'en devins esclave, véritablement
"accro" !
Et bientôt il ne fut plus question d'aller nulle part sans eux !
C'était toujours la panique de les oublier. J'en mettais partout, dans les poches, au boulot, à côté de mon lit.
Et quand j'oubliais, c'était alors le retour forcé : quitter le ciné, l'anniversaire, le mariage, le spectacle, le musée, en pleine visite ou séance pour aller les rechercher !
Et si c'était trop loin, c'était les sifflements, l'oppression... et la crise dans les deux heures !
Et Dieu sait si j'ai essayé de résister au processus ! Ne pas prendre le "puff", me calmer, aller dormir dehors dans un bois de sapin... J'ai tout essayé mais il fallait la "dose", le "puff"…
Une drogue… mais qui permettait de vivre !
Un jour en randonnée, un ami dut courir 6 km en pleine nuit pour trouver un pharmacien qui accepta de lui en donner un sans ordonnance !
Une autre nuit il y a 3 ans en voyage à Paris, ce fut une sale surprise : spray vide !
J'ai arpenté Paris à 4 h du matin, sans plan de la ville, à tourner entre les pharmacies de garde qui soit n'ouvraient pas (!) ou refusaient de donner un spray sans ordonnance à cet étranger avec une tête de drogué qui déboulait en pleine nuit. Impressionnant !
Les CRS à qui je demandais de l'aide ne parlaient que d'appeler le Samu ! Sinon, c'est que ce n'était pas urgent, et me mettaient dehors. 2 h plus tard, je m'écroulai en pleine crise aux pieds d'une pharmacienne qui finit par me donner la "bouffée" salvatrice… |
|