Le Conseil de la concurrence impose à EDF de proposer des prix de l'électricité plus attractifs aux fournisseurs alternatifs.
C'EST historique. Le Conseil de la concurrence impose à EDF de vendre de l'électricité à ses concurrents moins cher qu'aujourd'hui. Il s'agit très précisément de leur faire profiter de la « rente du nucléaire », en référence à l'avantage compétitif que représente pour l'opérateur historique son formidable parc de centrales.
À l'origine de la décision du Conseil de la concurrence, rendue publique hier, il y a la plainte déposée par le fournisseur alternatif Direct Énergie : au motif qu'EDF propose de l'électricité à un opérateur concurrent à des prix supérieurs au prix qu'EDF facture à ses clients. Dans ces conditions, il est tout simplement impossible pour Direct Énergie qui s'approvisionne auprès d'EDF d'être compétitif pour gagner des clients. Un point crucial à l'heure de la libéralisation totale du marché de l'énergie, effective à compter du 1er juillet. En l'occurrence, le fournisseur alternatif s'appuie sur le point suivant : alors qu'EDF affirme que son prix de référence pour le nucléaire est de 46 euros le mégawattheure, il serait en réalité de 32 euros.
Bientôt de nouvelles offres
Hier, le Conseil de la concurrence, en jugeant que la situation « était susceptible d'être qualifiée de ciseau tarifaire et de constituer un abus de position dominante », a accédé à la requête de Direct Énergie. Très concrètement, le Conseil donne deux mois à EDF pour lui transmettre « une proposition de fourniture d'électricité en gros » donnant à tous ses concurrents, et pas uniquement Direct Énergie, la possibilité de faire des offres rentables. EDF devra s'engager donc rapidement, en matière de prix bien sûr, mais aussi de volumes et de durée des contrats. Un délai de trois ans est évoqué, pour une visibilité suffisante aux clients.
Va-t-on vers une guerre de procédures ? Non, car le Conseil de la concurrence a précisé qu'EDF s'était engagé à faire des nouvelles offres prochainement. En attendant, l'opérateur historique a accepté de proposer à Direct Énergie un coût transitoire d'approvisionnement, d'une durée d'au moins un an, suffisamment compétitif pour que l'opérateur fasse savoir, dès hier, qu'il va bientôt proposer des prix inférieurs à ceux de l'opérateur historique.
Cette décision du Conseil de la concurrence a évidemment été accueillie avec satisfaction par tous ceux qui dénoncent le verrouillage de la concurrence dans l'énergie en France. Le partage de la « rente du nucléaire », comme ils l'appellent, va devenir effectif. De son côté, Bruno Lasserre, le président du Conseil de la concurrence, a simplement noté qu'il fallait « un marché de gros ouvert et transparent » pour contribuer à « fluidifier le marché ».
Pour EDF, le terme de « rente » est évidemment inapproprié. Pour l'opérateur historique, le prix de 46 euros pour un mégawattheure d'origine nucléaire est parfaitement justifié : certes, le parc actuel est largement amorti, mais il estime qu'il faut intégrer tous les coûts de développement futur (l'EPR, le réacteur de troisième génération est actuellement en cours de construction) ainsi que les coûts de démantèlement des centrales existantes.
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EDF sommé de jouer le jeu de la concurrence
par Guillaume Evin
Alors que le marché sera libéralisé le 1er juillet, le Conseil de la concurrence somme EDF d'abaisser ses prix de gros pour les nouveaux entrants. Car pour l'heure, ces derniers sont victimes d'un effet de ciseau tarifaire.
A trois jours de la libéralisation totale du marché de l'électricité, le Conseil de la concurrence a lancé un ultimatum à EDF pour l'inciter à assurer "une concurrence effective". La procédure rappelle en fait celle actionnée par le même Conseil lors de la bataille des télécoms et l'accès à l'ADSL. A l'époque, l'instance présidée par Bruno Lasserre avait condamné France Télécom à une amende de 120 millions d'euros pour non respect de ses injonctions contre un abus de position dominante.
Saisi fin février par l'opérateur électrique alternatif Direct Energie (filiale à 70% du groupe Louis-Dreyfus), le Conseil de la concurrence somme cette fois l'opérateur historique du secteur d'offrir des prix de gros plus attractifs à ses futurs concurrents. Et ce dans un délai de deux mois. C'est que pour l'instant les nouveaux entrants sur le marché des particuliers n'ont guère de marges de manœuvre. A vrai dire, ils sont victimes d'un effet de ciseau, entre le tarif réglementé proposé aux consommateurs par le duo EDF-GDF et les prix de gros élevés imposés par l'ancien monopole. La distorsion de concurrence est telle aux yeux de l'autorité que les fournisseurs d'énergie alternatifs sont condamnés sur le papier à vendre à perte. Direct Energie aurait ainsi perdu 9 millions d'euros sur un chiffre d'affaires annuel de 100 millions environ.
« Notre objectif n'est pas de casser l'opérateur dominant mais d'instaurer un marché de gros transparent et non discriminatoire, confie à LExpansion.com Bruno Lasserre, le président du gendarme français de la concurrence. Car ce n'est pas sain de laisser face-à-face le producteur d'électricité et ses futurs concurrents, qui, pour l'instant, n'ont pas d'espace économique. Il ne faudrait pas que pour le grand public cette ouverture du marché coïncide avec une hausse des prix ». Actuellement, selon Fabien Choné, le DG de Direct Energie, cité par Reuters, le prix de revient du nucléaire ressort à environ 32 euros le MW/h alors que le prix de gros se situe autour de 50 euros. « On se rend compte que ce ne sont pas les tarifs réglementés qui sont trop bas mais que les prix de gros d'EDF sont trop élevés ».
Ainsi attaqué, EDF n'a pas manqué de réagir, assurant vouloir « remédier » aux dysfonctionnement en proposant « par la voie d'engagements, un dispositif d'approvisionnement en énergie de base d'origine nucléaire, sur la longue durée, pour les besoins des fournisseurs alternatifs sur les marchés de détail ». Une réaction logique sinon attendue, tant le précédent France Télécom incite à la prudence. « Nous avons l'arme de la sanction, ajoute Bruno Lasserre. Et nous sommes une des rares autorités de la concurrence à pouvoir prendre des mesures conservatoires ». En principe, EDF rendra sa copie d'ici le 14 juillet. Sa proposition fera l'objet d'un test de marché et sera publiée sur le site du Conseil.
Cependant, une certitude : le 1er juillet ne marquera pas l'exode de la clientèle d'EDF. D'après une étude interne menée par ERD, son réseau de distribution, seuls 330 à 350 clients devraient basculer à la concurrence au vu des formulaires de « rattachement » adressés par les opérateurs alternatifs. Autant dire une infime goutte d'eau au regard des 27 millions d'abonnés individuels du groupe dirigé par Pierre Gadonneix. Autre élément de nature à rassurer le mastodonte : en trois ans, à peine 17% des « professionnels » ont opté pour le marché libre d'après les statistiques collectées par la Commission de régulation de l'énergie. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les députés ont adopté un système transitoire valable durant deux ans permettant aux entreprises repenties de revenir aux tarifs réglementés.
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Direct Energie promet des prix inférieurs à ceux d'EDF
Direct Energie se félicite de la décision du Conseil de la concurrence d'ordonner à Electricité
de France de faire de nouvelles offres de gros et promet des prix inférieurs à ceux du groupe public.
Il indique toutefois que sa stratégie commerciale ne sera mise en oeuvre qu'en septembre prochain, EDF devant
d'ici là lui proposer un contrat transitoire d'un an.
Les clients particuliers pourront toutefois souscrire au 1er juillet, date d'ouverture totale du marché à la
concurrence, aux offres actuelles et bénéficieront automatiquement des nouvelles formules dès leur lancement,
a-t-il précisé dans un communiqué.
La décision du Conseil de la concurrence permettra de garantir des prix bas, stables et pérennes, selon le
fournisseur contrôlé à 70% par le groupe Louis-Dreyfus qui avait dénoncé un "ciseau tarifaire" du fait de tarifs de
gros d'EDF supérieurs au prix de détail. Il se plaignait de ne pa s bénéficier des coûts induits par le parc nucléaire de
l'opérateur historique.
Selon les chiffres communiqués au Conseil de la concurrence, le fournisseur a perdu 9,5 millions d'euros l'an
dernier pour un chiffre d'affaires d'environ 100 millions.
"Direct Energie s'engagera, auprès de ses clients actuels et futurs, à pratiquer dans la durée des prix inférieurs
aux tarifs d'EDF", a-t-il souligné sans fournir de chiffres.
"L'ouverture du marché était juridique, elle devient économique", a dit à Reuters Fabien Choné, directeur général
de Direct Energie. Il a explique le groupe pouvait se permettre de perdre de l'argent sur ses offres au 1er juillet du
fait de l'assurance qu'il y a une baisse des tarifs de gros.
Selon Direct Energie, le prix de revient du nucléaire ressort à environ 32 euros le MWh alors que le prix de gros
se situe autour de 50 euros. "On se rend compte que ce ne sont pas les tarifs réglementés qui sont trop bas mais que
les prix de gros d'EDF sont trop élevés", a assuré Fabien Choné.
EDF a annoncé qu'il formaliserait des propositions pour des offres de gros en direction de ses concurrents après
une injonction du Conseil de la concurrence. Une porte-parole a indiqué que le groupe ouvrirait des négociations avec
Direct Energie en vue de la signature d'"un contrat transitoire d'un an pour l'approvisionnement en gros à un prix
reflétant les coûts complets de production d'EDF". |
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