999. Le repentir sincère pendant la vie suffit-il pour effacer les fautes, et faire trouver grâce
devant Dieu?
« Le repentir aide à l'amélioration de l'Esprit, mais le passé doit être expié. »
457
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
- Si, d'après cela, un criminel disait que, puisqu'il doit, en tout état de cause, expier son passé,
il n'a pas besoin de repentir, qu'en résulterait-il pour lui?
« S'il s'endurcit dans la pensée du mal, son expiation sera plus longue et plus pénible. »
1000. Pouvons-nous, dès cette vie, racheter nos fautes?
« Oui, en les réparant mais ne croyez pas les racheter par quelques privations puériles, ou en
donnant après votre mort quand vous n'aurez plus besoin de rien. Dieu ne tient aucun compte
d'un repentir stérile, toujours facile, et qui ne coûte que la peine de se frapper la poitrine. La
perte d'un petit doigt en rendant service efface plus de fautes que le supplice de la chair
enduré pendant des années sans autre but que soi-même (726).
» Le mal n'est réparé que par le bien, et la réparation n'a aucun mérite si elle n'atteint l'homme
ni dans son orgueil ni dans ses intérêts matériels.
» Que lui sert, pour sa justification, de restituer après sa mort le bien mal acquis, alors qu'il lui
devient inutile et qu'il en a profité?
» Que lui sert la privation de quelques jouissances futiles et de quelques superfluités, si le tort
qu'il a fait à autrui reste le même?
» Que lui sert enfin de s'humilier devant Dieu, s'il conserve son orgueil devant les hommes. »
(720-721).
1001. N'y a-t-il aucun mérite à assurer après sa mort un emploi utile des biens que nous
possédons?
« Aucun mérite n'est pas le mot; cela vaut toujours mieux que rien; mais le malheur est que
celui qui ne donne qu'après sa mort est souvent plus égoïste que généreux; il veut avoir
l'honneur du bien sans
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LIVRE IV. - CHAP. II
en avoir la peine. Celui qui se prive, de son vivant, a double profit le mérite du sacrifice et le
plaisir de voir les heureux qu'il fait. Mais l'égoïsme est là qui lui dit: Ce que tu donnes, c'est
autant de retranché sur tes jouissances; et comme l'égoïsme crie plus fort que le
désintéressement et la charité, il garde, sous prétexte de ses besoins et des nécessités de sa
position. Ah! plaignez celui qui ne connaît pas le plaisir de donner; celui-là est vraiment
déshérité d'une des plus pures et des plus suaves jouissances. Dieu, en le soumettant à
l'épreuve de la fortune, si glissante et si dangereuse pour son avenir, a voulu lui donner pour
compensation le bonheur de la générosité dont il peut jouir dès ici-bas. » (814).
1002. Que doit faire celui qui, à l'article de la mort, reconnaît ses fautes, mais n'a pas le temps
de les réparer ? Se repentir suffit-il dans ce cas?
« Le repentir hâte sa réhabilitation, mais il ne l'absout pas. N'a-t-il pas l'avenir devant lui qui
ne lui est jamais fermé? »
Durée des peines futures.
1003. La durée des souffrances du coupable, dans la vie future, est-elle arbitraire ou
subordonnée à une loi quelconque?
« Dieu n'agit jamais par caprice et tout, dans l'univers, est régi par des lois où se révèlent sa
sagesse et sa bonté. »
1004. Sur quoi est basée la durée des souffrances du coupable?
« Sur le temps nécessaire à son amélioration. L'état de souffrance et de bonheur étant
proportionné au degré d'épuration de l'Esprit, la durée et la nature de ses souffrances
dépendent du temps qu'il met à
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PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
s'améliorer. A mesure qu'il progresse et que ses sentiments s'épurent, ses souffrances
diminuent et changent de nature. »
SAINT LOUIS
1005. Pour l'Esprit souffrant, le temps paraît-il aussi long ou moins long que s'il était vivant?
« Il lui paraît plutôt plus long le sommeil n'existe pas pour lui. Ce n'est que pour les Esprits
arrivés àun certain degré d'épuration que le temps s'efface, pour ainsi dire, devant l'infini. »
(240).
1006. La durée des souffrances de l'Esprit peut-elle être éternelle?
« Sans doute, s'il était éternellement mauvais, c'est-à-dire s'il ne devait jamais se repentir
ni s'améliorer, il souffrirait éternellement mais Dieu n'a pas créé des êtres pour qu'ils soient
voués au mal à perpétuité il ne les a créés que simples et ignorants, et tous doivent progresser
dans un temps plus ou moins long, selon leur volonté. La volonté peut être plus ou moins
tardive, comme il y a des enfants plus ou moins précoces, mais elle vient tôt ou tard par
l'irrésistible besoin qu'éprouve l'Esprit de sortir de son infériorité et d'être heureux. La loi qui
régit la durée des peines est donc éminemment sage et bienveillante, puisqu'elle subordonne
cette durée aux efforts de l'Esprit; elle ne lui enlève jamais son libre arbitre s'il en fait un
mauvais usage, il en subit les conséquences. »
SAINT LOUIS.
1007. Y a-t-il des Esprits qui ne se repentent jamais?
« Il y en a dont le repentir est très tardif; mais prétendre qu'ils ne s'amélioreront jamais, ce
serait nier la loi du progrès, et dire que l'enfant ne peut devenir adulte. »
SAINT LOUIS.
460
LIVRE IV. - CHAP. II
1008. La durée des peines dépend-elle toujours de la volonté de l'Esprit, et n'y en a-t-il pas
qui lui sont imposées pour un temps donné?
« Oui, des peines peuvent lui être imposées pour un temps, mais Dieu, qui ne veut que le bien
de ses créatures, accueille toujours le repentir, et le désir de s'améliorer n'est jamais stérile. »
SAINT LOUIS.
1009. D'après cela, les peines imposées ne le seraient jamais pour l'éternité?
« Interrogez votre bon sens, votre raison, et demandez-vous si une condamnation perpétuelle
pour quelques moments d'erreur ne serait pas la négation de la bonté de Dieu? Qu'est-ce, en
effet, que la durée de la vie, fût-elle de cent ans, par rapport àl'éternité? Eternité! comprenezvous
bien ce mot? souffrances, tortures sans fin, sans espoir, pour quelques fautes! Votre
jugement ne repousse-t-il pas une pareille pensée? Que les anciens aient vu dans le maître de
l'univers un Dieu terrible, jaloux et vindicatif, cela se conçoit; dans leur ignorance, ils ont
prêté à la divinité les passions des hommes; mais ce n'est pas là l'e Dieu des chrétiens, qui
place l'amour, la charité, la miséricorde, l'oubli des offenses au rang des premières vertus
pourrait-il manquer lui-même des qualités dont il fait un devoir? N'y a-t-il pas contradiction à
lui attribuer la bonté infinie et la vengeance infinie? Vous dites qu'avant tout il est juste, et
que l'homme ne comprend pas sa justice, mais la justice n'exclut pas la bonté, et il ne serait
pas bon s'il vouait à des peines horribles, perpétuelles, la plus grande partie de ses créatures.
Pourrait-il faire à ses enfants une obligation de la justice, s'il ne leur avait pas donné les
moyens de la
461
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
comprendre? D'ailleurs, n'est-ce pas le sublime de la justice, unie à la bonté, de faire dépendre
la durée des peines des efforts du coupable pour s'améliorer? Là est la vérité de cette parole:
« A chacun selon ses oeuvres. »
SAINT AUGUSTIN.
« Attachez-vous par tous les moyens qui sont en votre pouvoir, à combattre, à anéantir
l'idée de l'éternité des peines, pensée blasphématoire envers la justice et la bonté de Dieu,
source la plus féconde de l'incrédulité, du matérialisme et de l'indifférence qui ont envahi les
masses depuis que leur intelligence a commencé à se développer. L'Esprit, près de s'éclairer,
ne fût-il que même dégrossi, en a bientôt saisi la monstrueuse injustice sa raison la repousse,
et alors il manque rarement de confondre dans un même ostracisme et la peine qui le révolte
et le Dieu auquel il l'attribue; de là, les maux sans nombre qui sont venus fondre sur vous et
auxquels nous venons vous apporter remède. La tâche que nous vous signalons vous sera
d'autant plus facile que les autorités sur lesquelles s'appuient les défenseurs de cette croyance
ont toutes évité de se prononcer formellement ; ni les conciles, ni les Pères de l'Eglise n'ont
tranché cette grave question. Si, d'après les Evangélistes eux-mêmes, et en prenant au pied de
la lettre, les paroles emblématiques du Christ, il a menacé les coupables d'un feu qui ne
s'éteint pas, d'un feu éternel, il n'est absolument rien dans ses paroles qui prouve qu'il les ait
condamnés éternellement.
« Pauvres brebis égarées, sachez voir venir à vous le bon Pasteur qui, loin de vouloir vous
bannir àtout jamais de sa présence, vient lui-même à votre rencontre pour vous ramener au
bercail. Enfants prodigues, quittez votre exil volontaire; tournez vos pas
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LIVRE IV. - CHAP. II
vers la demeure paternelle: le père vous tend les bras et se tient toujours prêt à fêter votre
retour en famille. »
LAMMENAIS.
« Guerres de mots! guerres de mots! n'avez-vous pas fait assez verser de sang! faut-il donc
encore rallumer les bûchers? On discute sur les mots éternité des peines, éternité des
châtiments ne savez-vous donc pas que ce que vous entendez aujourd'hui par éternité, les
anciens ne l'entendaient pas comme vous? Que le théologien consulte les sources, et comme
vous tous il y découvrira que le texte hébreu ne donnait pas au mot que les Grecs, les Latins
et les modernes ont traduit par peines sans fin, irrémissibles, la même signification. Eternité
des châtiments correspond à l'éternité du mal. Oui, tant que le mal existera parmi les hommcs,
les châtiments subsisteront; c'est dans le sens relatif qu'il importe d'interpréter les textes
sacrés, L'éternité des peines n'est donc que relative et non absolue. Qu'un jour advienne où
tous les hommes se revêtiront, par la repentance, de la robe d'innocence, et ce jour-là plus de
gémissements, plus de grincements de dents. Votre raison humaine est bornée, il est vrai,
mais telle qu'elle est, c'est un présent de Dieu, et avec cette aide de la raison, il n'est pas un
seul homme de bonne foi qui comprenne autrement l'éternité des châtiments. L'éternité des
châtiments Quoi! Il faudrait donc admettre que le mal sera éternel. Dieu seul est éternel et n'a
pu créer le mal éternel, sans cela il faudrait lui arracher le plus magnifique de ses attributs la
souveraine puissance, car celui-là n'est pas souverainement puissant qui peut créer un élément
destructeur de ses oeuvres. Humanité! Humanité! ne plonge donc plus tes mornes regards
dans les pro-
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PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
fondeurs de la terre pour y chercher les châtiments; pleure, espère, expie et réfugie-toi dans la
pensée d'un Dieu intimement bon, absolument puissant, essentiellement juste. »
PLATON.
« Graviter vers l'unité divine, tel est le but de l'humanité; pour y atteindre, trois choses sont
nécessaires: la justice, l'amour et la science; trois choses y sont opposées et contraires:
l'ignorance, la haine et l'injustice. Eh bien! je vous dis, en vérité, vous mentez à ces principes
fondamentaux en compromettant l'idée de Dieu par l'exagération de sa sévérité vous la
compromettez doublement en laissant pénétrer dans l'Esprit de la créature qu'il y a en elle
plus de clémence, de mansuétude, d'amour et de véritable justice que vous n'en attribuez à
l'être infini; vous détruisez même l'idée de l'enfer en le rendant ridicule et inadmissible à vos
croyances, comme l'est àvos coeurs le hideux spectacle des bourreaux, des bûchers et des
tortures du moyen âge! Quoi donc! Est-ce quand l'ère des représailles aveugles est àjamais
bannie des législations humaines que vous espérez la maintenir dans l'idéal? Oh! croyez-moi.
croyez-moi, frères en Dieu et en Jésus-Christ, croyez-moi, ou résignez-vous à laisser périr
entre vos mains tous vos dogmes plutôt que de les laisser varier, ou bien revivifiez-les en les
ouvrant aux bienfaisantes effluves que les Bons y versent en ce moment. L'idée de l'enfer
avec ses fournaises ardentes, avec ses chaudières bouillantes, put être tolérée, c'est-à-dire
pardonnable dans un sièce de fer; mais au dix-neuvième, ce n'est plus qu'un vain fantôme
propre tout au plus à effrayer les petits enfants, et auquel les enfants ne croient plus quand ils
sont grands. En persistant dans cette mythologie effrayante, vous
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LIVRE IV. - CHAP. II
engendrez l'incrédulité, mère de toute désorganisation sociale car je tremble en voyant tout
un ordre social ébranlé et croulant sur sa base faute de sanction pénale. Hommes de foi
ardente et vive, avant-garde du jour de la lumière, à l'oeuvre donc! non pour maintenir des
fables vieillies et désormais sans crédit, mais pour raviver, revivifier la véritable sanction
pénale, sous des formes en rapport avec vos moeurs, vos sentiments et les lumières de votre
époque.
« Qu'est-ce, en effet, que le coupable? Celui qui, par un écart, par un faux mouvement de
l'âme S'éloigne du but de la création, qui consiste dans le culte harmonieux du beau, du bien,
idéalisés par l'archétype humain, par l'Homme-Dieu, par Jésus-Christ.
» Qu'est-ce que le châtiment? La conséquence naturelle, dérivative de ce faux mouvement
une somme de douleurs nécessaires pour le dégoùter de sa difformité, par l'expérimentation
de la souffrance. Le châtiment, c'est l'aiguillon qui excite l'âme, par l'amertume, à se replier
sur elle-même, et à revenir au rivage du salut. Le but du châtiment n'est autre que la
réhabilitation, l'affranchissement. Vouloir que le châtiment soit éternel, pour une faute qui
n'est pas éternelle, c'est lui nier toute raison d'être.
» Oh! je vous le dis en vérité, cessez, cessez de mettre en parallèle, dans leur éternité, le
Bien, essence du Créateur, avec le Mal, essence de la créature; ce serait créer là une pénalité
injustifiable. Affirmez, au contraire, l'amortissement graduel des châtiments et des peines par
les transmigrations, et vous consacrerez avec la raison unie au sentiment, l'unité divine. »
PAUL, APOTRE.
465
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
On veut exciter l'homme au bien, et le détourner du mal par l'appàt de récompenses et la crainte de
châtiments; mais si ces châtiments sont présentés de manière à ce que la raison se refuse à y croire, ils
n'auront sur lui aucune influence; loin de là, il relettera tout la forme et le fond. Qu'on lui présente au
contraire, l'avenir d'une manière logique, et alors il ne le repoussera pas. Le spiritisme lui donne cette
explication.
La doctrine de l'éternité des peines, dans le sens absolu, fait de l'être suprême un Dieu implacable. Seraitil
logique de dire d'un souverain qu'il est très bon, très bienveilîmit, très indulgent, qu'il ne veut que le
bonheur de ceux qui l'entourent, mais qu'en même temps il est jaloux, vindicatif, inflexible dans sa
rigueur, et qu'il punit du dernier supplice les trois quarts de ses sujets pour une offense ou une infraction
à ses lois, ceux mêmes qui ont failli pour ne les avoir pas connues? Ne serait-ce pas là une contradiction?
Or, Dieu peut-il être moins bon que ne le serait un homme?
Une autre contradiction se présente ici. Puisque Dieu sait tout, il savait donc en créant une âme qu'elle
faillirait; elle a donc été, dès sa formation, vouée au malheur éternel cela est-il possible, rationnel? Avec
la doctrine des peines relatives, tout est justifié. Dieu savait sans doute qu'elle faillirait, mais il lui donne
les moyens de s'éclairer par sa propre expérience, par ses fautes mêmes; il est nécessaire qu'elle expie ses
erreurs pour être mieux affermie dans le bien, mais la porte de l'espérance ne lui est pas fermée à tout
jamais, et Dieu fait dépendre le moment de sa délivrance des efforts qu'elle fait pour y arriver. Voilà ce
que tout le monde peut comprendre, ce que la logique la plus méticuleuse peut aumettre. Si les peines
futures eussent été présentées sous ce point de vue, il y aurait bien moins de sceptiques.
Le mot éternel est souvent employé, dans le langage vulgaire, comme figure, pour désigner une chose de
longue durée et dont on ne prévoit pas le terme, quoique l'on sache très bien que ce terme existe.
Nous disons, par exemple, les glaces éternelles des hautes montagnes, des pôles, quoique nous
sachions, d'un côté, que le monde physique peut avoir une fin, et, d'autre part que l'état de ces régions
peut changer par le déplacement normal de l'axe ou par un cataclysme. Le mot éternel, dans ce cas, ne
veut donc pas dire perpétuel jusqu'à l'infini. Quand nous souf-
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LIVRE IV. - CHAP. II
frons d'une longue maladie, nous disons que notre mal est éternel qu'y a-t-il donc d'étonnant à ce que des
Esprits qui souffrent depuis des années, des siècles, des milliers d'années mème, en disent autant?
N'oublions pas surtout que leur infériorité ne leur permettant pas de voir l'extrémité de la route, ils
croient souffrir toujours, et que c'est pour eux une punition.
Au reste, la doctrine du feu matériel, des fournaises et des tortures empruntées au Tartare du
paganisme, est aujourd'hui complètement abandonnée par la haute théologie et ce n'est plus que dans les
écoles que ces effrayants tableaux allégoriques sont encore donnés comme des vérités positives, par
quelques hommes plus zélés qu'éclairés, et cela bien à tort, car ces jeunes imaginations, une fois revenues
de leur terreur, pourront augmenter le nombre des incrédules. La théologie reconnaît aulourd'hui que le
mot feu est employé au figuré, et doit s'entendre d'un feu moral (974). Ceux qui ont suivi comme nous les
péripéties de la vie et des souffrances d'outre tombe, dans les communications spirites, ont pu se
convaincre que, pour n'avoir rien de matériel, elles n'en sont pas moins poignantes. A l'égard méme de
leur durée, certains théologiens commencent à admettre dans le sens restrictif indiqué ci-dessus, et
pensent qu'en effet le mot éternel peut s'entendre des peines en ellesmêmes, comme conséquences d'une loi
immuable, et non de leur application à chaque individu. Le jour où la religion admettra cette
interprétation, ainsi que quelques autres qui sont également la conséquence du progrès des lumières, elle
ralliera bien des brebis égarées.
467
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
Résurrection de la chair.
1010. Le dogme de la résurrection de la chair est- il la consécration de celui de la
réincarnation enseignée par les Esprits?
« Comment voulez-vous qu'il en soit autrement? Il en est de ces paroles comme de tant
d'autres qui ne paraissent déraisonnables aux yeux de certaines personnes que parce qu on les
prend à la lettre, c'est pourquoi elles conduisent à l'incrédulité; mais donnez-leur une
interprétation logique, et ceux que vous appelez les libres penseurs les admettront sans
difficulté, précisément parce qu'ils réfléchissent; car, ne vous y trompez pas, ces libres
penseurs ne demandent pas mieux que de croire; ils ont, comme les autres, plus que d'autres
peut-être, soif de l'avenir, mais ils ne peuvent admettre ce qui est controuvé par la science. La
doctrine de la pluralité des existences est conforme à la justice de Dieu ; elle seule peut
expliquer ce qui, sans elle, est inexplicable; comment voudriez-vous que le principe n'en fût
pas dans la religion elle-même? »
- Ainsi l'Eglise, par le dogme de la résurrection de la chair, enseigne elle-même la doctrine de
la réincarnation?
« Cela est évident; cette doctrine est d'ailleurs la conséquence de bien des choses qui ont
passé inaperçues et que l'on ne tardera pas à comprendre dans ce sens; avant peu, on
reconnaîtra que le spiritisme ressort à chaque pas du texte même des Ecritures sacrées. Les
Esprits ne viennent donc pas renverser la religion, comme quelques-uns le prétendent; ils
viennent, au contraire, la confirmer, la
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LIVRE IV. - CHAP. II
sanctionner par des preuves irrécusables mais, comme le temps est venu de ne plus employer
le langage figuré, ils s'expriment sans allégorie et donnent aux choses un sens clair et précis
qui ne puisse être sujet à aucune fausse interprétation. Voilà pourquoi dans quelque temps,
vous aurez plus de gens sincèrement religieux et croyants que vous n'en avez aujourd'hui. »
SAINT LOUIS.
La science, en effet, démontre l'impossibilité de la résurrection selon l'idée vulgaire. Si les débris du
corps humain restaient homogènes, fussent-ils dispersés et réduits en poussière, on concevrait encore leur
réunion à un temps donné mais les choses ne se passent point ainsi. Le corps est formé d'éléments divers
oxygène, hydrogène, azote, carbone, etc.; par la décomposition ces éléments se dispersent, mais pour
servir à la formation de nouveaux corps; de telle sorte que la même molécule, de carbone par exemple,
sera entrée dans la composition de plusieurs milliers de corps différents (nous ne parlons que des corps
humains sans compter tous ceux des animaux); que tel individu a peut-être dans son corps des molécules
ayant appartenu aux hommes des premiers âges; que ces mêmes molécules organiques que vous absorbez
dans votre nourriture proviennent peut-être du corps de tel autre individu que vous avez connu, et ainsi
de suite. La matière étant en quantité définie, et ses transformations en quantités indéfinies, comment
chacun de ces corps pourrait-il se reconstituer des mêmes éléments? Il y a là une impossibilité matérielle.
On ne peut donc rationnellement admettre la résurrection de la chair que comme une figure symbolisant
le phénomène de la réincarnation, et alors rien qui choque la raison rien qui soit en contradiction avec les
données de la science.
Il est vrai que, selon le dogme, cette résurrection ne doit avoir lieu qu'à la fin des temps tandis que, selon
la doctrine spirite, elle a lieu tous les lours ; mais n'y a-t-il pas encore dans ce tableau du jugement
dernier une grande et belle figure qui cache, sous le voile de l'allégorie, une de ces vérités immuables qui
ne trouvera plus de sceptiques quand elle sera ramenée à
469
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
sa véritable signification? Qu'on veuille bien méditer la théorie spirite sur l'avenir des âmes et sur leur
sort à la suite des différentes épreuves qu'elles doivent subir, et l'on verra qu à l'excep tion de la
simultanéité, le jugement qui condamne ou qui les absout n'est point une fiction, ainsi que le pensent les
incrédules. Remarquons encore qu'elle est la conséquence naturelle de la pluralité des mondes,
aujourd'hui parfaitement admise, tandis que, selon la doctrine du jugement dernier, la terre est censée le
seul monde habité.
Paradis, enfer et purgatoire.
1012. Un lieu circonscrit dans l'univers est-il affecté aux peines et aux jouissances des
Esprits, selon leurs mérites?
« Nous avons déjà répondu à cette question. Les peines et les jouissances sont inhérentes au
degré de perfection des Esprits chacun puise en soi-même le principe de son propre bonheur
ou malheur; et comme ils sont partout, aucun lieu circonscrit ni fermé n'est affecté à l'un
plutôt qu'à l'autre. Quant aux Esprits incarnés, ils sont plus ou moins heureux ou malheureux
selon que le monde qu'ils habitent est plus ou moins avancé, »
- D'après cela, l'enfer et le paradis n'existeraient pas tels que l'homme se les représente?
« Ce ne sont que des figures il y a partout des Esprits heureux et malheureux. Cependant,
comme nous l'avons dit aussi, les Esprits du même ordre se réunissent par sympathie; mais ils
peuvent se réunir où ils veulent quand ils sont parfaits. »
La localisation absolue des lieux de peines et de récompenses n'existe que dans l'imagination de l'homme
elle provient de
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LIVRE IV. - CHAP. II
la tendance à matérialiser et à circonscrire les choses dont il ne peut comprendre l'essence infinie.
1013. Que doit-on entendre par le purgatoire?
« Douleurs physiques et morales: c'est le temps de l'expiation. C'est presque toujours sur terre
que vous faites votre purgatoire et que Dieu vous fait expier vos fautes. »
Ce que l'homme appelle purgatoire est de même une figure par laquelle on doit entendre, non pas un lieu
déterminé quelconque, mais l'état des Esprits imparfaits qui sont en expiation jusqu'à la purification
complète qui doit les élever au rang des Esprits bienheureux. Cette purificotion s'opérant dans les
diverses incarnations, le purgatoire consiste dans les épreuves de la vie corporelle.
1014. Comment se fait-il que des Esprits qui, par leur langage, révèlent leur supériorité, aient
répondu à des personnes très sérieuses, au sujet de l'enfer et du purgatoire, selon l'idée que
l'on s'en fait vulgairement?
« Ils parlent un langage compris des personnes qui les interrogent; quand ces personnes sont
trop imbues de certaines idées, ils ne veulent pas les heurter trop brusquement pour ne pas
froisser leurs convictions. Si un Esprit allait dire, sans précautions oratoires, à un musulman
que Mahomet n'est pas un prophète, il serait très mal reçu. »
- On conçoit qu'il puisse en être ainsi de la part des Esprits qui veulent nous instruire;
mais comment se fait-il que des Esprits interrogés sur leur situation aient répondu qu'ils
souffraient les tortures de l'enfer ou du purgatoire?
« Quand ils sont inférieurs, et pas complètement dématérialisés, ils conservent une partie de
leurs idées terrestres, et ils rendent leurs impressions par
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PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
les termes qui leur sont familiers. Ils se trouvent dans un milieu qui ne leur permet qu'à demi
de sonder l'avenir, c'est ce qui est cause que souvent des Esprits errants, ou nouvellement
dégagés, parleront comme ils l'auraient fait de leur vivant. Enfer peut se traduire par une vie
d'épreuve extrêmement pénible, avec l'incertitude d'une meilleure; purgatoire, une vie aussi
d'épreuve, mais avec conscience d'un avenir meilleur. Lorsque tu éprouves une grande
douleur, ne dis-tu pas toi-même que tu souffres comme un damné? Ce ne sont que des mots,
et toujours au figuré. »
1015. Que doit-on entendre par une âme en peine?
« Une âme errante et souffrante, incertaine de son avenir, et à laquelle vous pouvez procurer
un soulagement que souvent elle sollicite en venant se communiquer à vous. » (664).
1016. Dans quel sens doit-on entendre le mot ciel?
« Crois-tu que ce soit un lieu, comme les Champs-Elysées des anciens, où tous les bons
Esprits sont entassés pêle-mêle sans autre souci que de goûter pendant l'éternité une félicité
passive? Non; c'est l'espace universel; ce sont les planètes, les étoiles et tous les mondes
supérieurs où les Esprits jouissent de toutes leurs facultés, sans avoir les tribulations de la vie
matérielle, ni les angoisses inhérentes à l'infériorité. » |
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