CHAPITRE 7
DES SĂRAPHINS, DES CHĂRUBINS ET DES TRĂNES QUI FORMENT LA PREMIĂRE HIĂRARCHIE.
I. Acceptant cette distribution des saintes hiĂ©rarchies, nous affirmons que tout nom donnĂ© aux intelligences cĂ©lestes est le signe des propriĂ©tĂ©s divines qui les caractĂ©risent. Ainsi, au tĂ©moignage des hĂ©braĂŻsants, le mot de sĂ©raphins signifie lumiĂšre et chaleur, et celui de chĂ©rubins plĂ©nitude de science on dĂ©bordement de sagesse. Il convenait sans doute que la premiĂšre des hiĂ©rarchies cĂ©lestes fĂ»t formĂ©e par les plus sublimes esprits ; car tel est le rang quâils occupent pardessus tous les autres, que, dans un commerce immĂ©diat et direct, la divinitĂ© laisse dĂ©couler sur eux plus purement et plus efficacement les splendeurs de sa gloire et les connaissances de ses mystĂšres. On les appelle donc flammes brillantes, trĂŽnes, fleuves de sagesse, pour exprimer par cette dĂ©nomination leurs divines habitudes. Câest ainsi que le nom des sĂ©raphins indique manifestement leur durable et perpĂ©tuel attrait pour les choses divines, lâardeur, lâintensitĂ©, lâimpĂ©tuositĂ© sainte de leur gĂ©nĂ©reux et invincible Ă©lan, et cette force puissante par laquelle ils soulĂšvent, transfigurent et rĂ©forment Ă leur image les natures subalternes en les vivifiant, les embrasant (les feux dont ils sont eux-mĂȘmes dĂ©vorĂ©s, et cette chaleur purifiante (lui consume toute souillure, et enfin cette active, permanente et inĂ©puisable propriĂ©tĂ© de recevoir et de communiquer la lumiĂšre, de dissiper et dâabolir toute obscuritĂ©, toutes tĂ©nĂšbres.
Le nom des chĂ©rubins montre quâils sont appelĂ©s Ă connaĂźtre et admirer Dieu, Ă contempler la lumiĂšre dans son Ă©clat originel et la beautĂ© incrĂ©Ă©e dans ses pins splendides rayonnements ; que, participant Ă la sagesse, ils se façonnent Ă sa ressemblance et rĂ©pandent sans envie sur les essences infĂ©rieures le flot des dons merveilleux quâils ont reçus.
Le nom des nobles et augustes trĂŽnes signifie quâils sont complĂštement affranchis des humiliantes passions de la terre ; quâils aspirent, dans leur essor sublime et constant, Ă laisser loin au-dessous dâeux tout ce qui est vil et bas - quâils sont unis ni TrĂšs-Haut de toutes leurs forces avec une admirable fixitĂ© - quâils reçoivent dâun esprit pur et impassible les douces visites de la divinitĂ© ; quâils portent Dieu, en quelque maniĂšre, et sâinclinent avec un frĂ©missement respectueux devant ses saintes communications.
Il. Tel est, selon nous, le sens des noms divers que portent ces esprits. Il nous reste Ă expliquer la hiĂ©rarchie quâils forment. Je pense avoir dĂ©jĂ suffisamment marquĂ© que toute hiĂ©rarchie a pour but invariable une certaine imitation et ressemblance de la DivinitĂ©, et que toute fonction quâelle impose tend Ă la double fin de recevoir et de confĂ©rer une puretĂ© non souillĂ©e, une divine lumiĂšre et une parfaite connaissance des saints mystĂšres. Je voudrais maintenant enseigner dâune maniĂšre convenable comment lâĂcriture comprend lâordre sublime des intelligences les plus Ă©levĂ©es. Sachons dâabord que cette premiĂšre hiĂ©rarchie est Ă©galement propre Ă toutes les natures supĂ©rieures, qui, venant immĂ©diatement aprĂšs leur souverain auteur et placĂ©es, pour ainsi dire, au voisinage de lâinfini, lâemportent sur toute puissance crĂ©Ă©e, soit visible, soit invisible.
Elles sont donc trĂšs-Ă©minement pures, non pas seulement en ce sens que nulle tĂąche, nulle souillure ne les avilit et quâelles ne subissent pas la loi de nos imaginations matĂ©rielles, mais surtout parce que, inaccessibles Ă tout principe de dĂ©gradation et douĂ©es dâune saintetĂ© transcendante, elles sâĂ©lĂšvent par lĂ mĂȘme au-dessus des autres esprits, si divins quâils soient ; et encore parce quâelles trouvent dans un gĂ©nĂ©reux amour de Dieu la force de se maintenir librement et invariablement en leur ordre propre, et que nulle altĂ©ration ne leur peut survenir, la raideur dâune volontĂ© invincible les attachant saintement aux fonctions merveilleuses qui leur furent assignĂ©es.
Ăgalement elles sont contemplatives ; et par lĂ je ne veux pas dire quâelles perçoivent les choses intellectuelles au moyen de symboles sensibles, ni que le spectacle de diverses et pieuses images les Ă©lĂšve Ă Dieu ; mais je comprends quâelles sont inondĂ©es dâune lumiĂšre qui surpasse toute connaissance spirituelle, et admises, autant que leur nature permet, Ă la vision de cette beautĂ© surĂ©minente, cause et origine de toute beautĂ©, et qui reluit dans les trois adorables Personnes ; je comprends quâelles jouissent de lâhumanitĂ© du Sauveur autrement que sous le voile de quelques figures oĂč se retracent ses augustes perfections ; car, par lâaccĂšs libre quâelles ont auprĂšs de lui, elles reçoivent et connaissent directement ses saintes lumiĂšres ; je comprends enfin quâil leur est donnĂ© dâimiter JĂ©sus Christ dâune façon plus relevĂ©e, et quâelles participent, selon leur capacitĂ©, au premier Ă©coulement qui se fait de ses vertus divines et humaines.
Elles sont parfaites aussi, non point parce quâelles savent expliquer les mystĂšres cachĂ©s sous la variĂ©tĂ© des symboles, mais parce que, dans leur haute et intime union avec la divinitĂ©, elles acquiĂšrent, touchant les oeuvres divines, cette science ineffable que possĂšdent les anges, car ce nâest point par le ministĂšre de quelques autres saintes natures, mais de Dieu immĂ©diatement, quâelles reçoivent leur initiation. Elles sâĂ©lĂšvent donc Ă lui sans intermĂ©diaire, par leur vertu propre et par le rang supĂ©rieur quâelles occultent ; et par lĂ encore elles se fixent dans une saintetĂ© immuable et sont appelĂ©es Ă la contemplation de la beautĂ© purement intelligible. Ainsi constituĂ©es dâune façon merveilleuse par lâauteur de toute hiĂ©rarchie quâelles entourent au premier rang, elles apprennent de lui les hautes et souveraines raisons des opĂ©rations divines. III. Or, les thĂ©ologiens enseignent clairement que, par une admirable disposition, les ordres infĂ©rieurs des pures intelligences sont instruits des choses divines par les ordres supĂ©rieurs, et que les esprits du premier rang Ă leur tour reçoivent directement de Dieu la communication de la science. Effectivement les saintes Ăcritures nous montrent tantĂŽt quelques-unes de ces natures saintes apprenant de natures plus augustes que câest le Seigneur des vertus cĂ©lestes et le Roi de gloire qui, sous forme humaine, sâĂ©lĂšve dans les cieux ; tantĂŽt quelques autres interrogeant JĂ©sus Christ en personne, et dĂ©sirant connaĂźtre lâoeuvre sacrĂ©e de notre rĂ©demption, recueillant les instructions de sa bouche, et informĂ©es par lui-mĂȘme des miracles de sa bontĂ© envers les hommes : câest moi, dit-il, qui parle justice et jugement pour le salut. Ici jâadmire comment les essences que leur sublimitĂ©, place au-dessus de toutes les autres, Ă©prouvent, aussi bien que leurs subalternes, quelque timiditĂ© de dĂ©sir Ă lâendroit des communications divines : car elles ne dĂ©butent point par dire au Seigneur : Pourquoi vos vĂȘtements sont-ils rougis mais elles se questionnent dâabord elles-mĂȘmes, manifestant par lĂ leur projet, leur envie de connaĂźtre lâauguste merveille, et ne prĂ©venant pas la rĂ©vĂ©lation progressive des lumiĂšres cĂ©lestes. Ainsi la premiĂšre hiĂ©rarchie des esprits bienheureux est rĂ©gie par le souverain initiateur mĂȘme, et parce quâelle dirige immĂ©diatement vers lui son essor, recueillant, autant quâil se peut, la puretĂ© sans tĂąche qui produit la vive lumiĂšre, dâoĂč naĂźt la saintetĂ© parfaite, elle se purifie, sâillumine et se perfectionne ; oui, pure de tout ce qui est infinie, brillante des premiers rayons de la lumiĂšre, riche et ornĂ©e dâune science sublime quâelle puise Ă sa source. MĂȘme je pourrais bien dire en un mot que cette dĂ©rivation de la science divine est tout ensemble expiation, illumination et perfection ; car elle purifie vraiment de toute ignorance, en communiquant Ă chaque intelligence, selon sa dignitĂ© propre, la connaissance des mystĂšres ineffables ; elle Ă©claire aussi, et, par la puretĂ© quâelle donne, permet aux esprits de contempler au grand jour de cette lumiĂšre SurĂ©minente les choses quâils nâavaient point encore vues ; enfin elle les perfectionne en les confirmant dans la claire intuition des plus magnifiques splendeurs.
IV. Telle est, autant que je puis savoir, la premiĂšre hiĂ©rarchie des cieux ; rangĂ©e comme en cercle autour de la divinitĂ©, elle lâenvironne immĂ©diatement, et, parmi les joies dâune connaissance permanente, elle tressaille dans la merveilleuse fixitĂ© de cet Ă©lan sublime qui emporte les anges. Elle jouit dâune foule de suaves et pures visions ; elle brille sous le doux reflet de la clartĂ© infinie ; elle est nourrie dâun aliment divin, tout Ă la fois abondant, puisque câest la premiĂšre distribution qui sâen fait, et rĂ©ellement un, et parfaitement identique, Ă cause de la simplicitĂ© de lâauguste substance. Bien plus, elle a lâhonneur dâĂȘtre associĂ©e Ă Dieu, et de coopĂ©rer Ă ses oeuvres, parce quâelle retrace, autant que peut la crĂ©ature, les perfections et les opĂ©rations divines. Elle connaĂźt dâune façon surĂ©minente plusieurs ineffables mystĂšres, et entre, selon sa capacitĂ©, en participation de la science du TrĂšs-haut. Effectivement la thĂ©ologie a enseignĂ© Ă lâhumanitĂ© les hymnes que chantent ces sublimes esprits, et ou lâon dĂ©couvre lâexcellence de la lumiĂšre qui les inonde : car, pour parler le langage terrestre, quelques-uns dâentre eux rĂ©pĂštent avec le fracas des grandes eaux : BĂ©nie soit la gloire de Dieu du saint lieu oĂč il rĂ©side ! Et dâautres font retentir ce majestueux et cĂ©lĂšbre cantique : Saint, saint, saint est le Seigneur des armĂ©es ; toute la terre est pleine de sa gloire !
Mais nous avons expliquĂ© Ă notre façon ces chants sacrĂ©s des cieux dans le traitĂ© des hymnes divins, oĂč il nous semble avoir Ă©clairci suffisamment cette matiĂšre. Je me contente de rappeler ici que la premiĂšre hiĂ©rarchie, initiĂ©e par lâinfinie charitĂ© Ă la connaissance des divins mystĂšres, les transmet avec bienfaisance aux hiĂ©rarchies infĂ©rieures. Pour tout dire en un mot, elle leur enseigne que la majestĂ© terrible, digne de toute louange, et au-dessus de toute bĂ©nĂ©diction, doit ĂȘtre connue et glorifiĂ©e autant quâil se peut par les intelligences auxquelles le Seigneur se communique, puisquâau tĂ©moignage de lâĂcriture, elles sont, par leur sublimitĂ© divine, comme dâaugustes et saints lieux ou la divinitĂ© repose. Elle leur enseigne que lâunitĂ© trĂšs simple subsistant en trois Personnes embrasse dans les soins de sa providence la crĂ©ation entiĂšre, depuis les plus nobles essences des cieux jusquâaux plus viles substances de la terre ; car elle est le principe Ă©ternel et la cause de toutes les crĂ©atures quâelle Ă©treint par un lien merveilleux, ineffable.
CHAPITRE 8
DE LA SECONDE HIĂRARCHIE, QUI SE COMPOSE DES DOMINATIONS, DES VERTUS ET DES PUISSANCES.
I. Passons maintenant Ă la seconde classe des cĂ©lestes intelligences, et, dâun oeil spiritualisĂ©, essayons de contempler les dominations et les admirables phalanges des puissances et des vertus ; car toute appellation donnĂ©e Ă ces ĂȘtres SupĂ©rieurs rĂ©vĂšle les propriĂ©tĂ©s augustes par lesquelles ils se rapprochent de la divinitĂ©.
Ainsi le nom des saintes dominations dĂ©signe, je pense, leur spiritualitĂ© sublime et affranchie de toute entrave matĂ©rielle, et leur autoritĂ© Ă la fois libre et sĂ©vĂšre, que ne souille jamais la tyrannie dâaucune vile passion. Car ne subissant ni la honte dâaucun esclavage, ni les conditions dâune dĂ©gradante chute ces nobles intelligences ne sont tourmentĂ©es que du besoin insatiable de possĂ©der celui qui est la domination essentielle et lâorigine de toute domination elles se façonnent elles-mĂȘmes et façonnent les esprits subalternes Ă la divine ressemblance ; mĂ©prisant toutes choses vaines, elles tournent leur activitĂ© vers lâĂȘtre vĂ©ritable, et entrent en participation de son Ă©ternelle et sainte principautĂ©.
Le nom sacrĂ© des vertus me semble indiquer cette mĂąle et invincible vigueur quâelles dĂ©ploient dans lâexercice de leurs divines fonctions, et qui les empĂȘche de faiblir et de cĂ©der sous le poids des augustes lumiĂšres qui leur sont dĂ©parties. Ainsi portĂ©es avec Ă©nergie Ă imiter Dieu, elles ne font pas lĂąchement dĂ©faut Ă lâimpulsion cĂ©leste ; mais contemplant dâun oeil attentif la vertu sur-essentielle, originale, et sâappliquant Ă en reproduire une parfaite image, elles sâĂ©lĂšvent de toutes leurs forces vers leur archĂ©type, et Ă leur tour sâinclinent, Ă la façon de la divinitĂ© vers les essences infĂ©rieures pour les transformer. Le nom des cĂ©lestes puissances, qui sont de mĂȘme hiĂ©rarchie que les dominations et les vertus, rappelle lâordre parfait dans lequel elles se prĂ©sentent Ă lâinfluence divine, et lâexercice lĂ©gitime de leur sublime et sainte autoritĂ©. Car elles ne se livrent pas aux excĂšs dâun tyrannique pouvoir ; mais sâĂ©lançant vers les choses dâen haut avec une impĂ©tuositĂ© bien ordonnĂ©e, et entraĂźnant avec amour vers le mĂȘme but les intelligences moins Ă©levĂ©es, dâun cĂŽtĂ© elles travaillent Ă se rapprocher de la puissance souveraine et principale ; et de lâautre, elles la rĂ©flĂ©chissent sur les ordres angĂ©liques par les admirables fonctions quâil leur est donnĂ© de remplir. OrnĂ©e de ces qualitĂ©s sacrĂ©es, la seconde hiĂ©rarchie des esprits cĂ©lestes obtient puretĂ©, lumiĂšre et perfection cri la maniĂšre que nous avons dite, par les splendeurs divines que lui transmet la premiĂšre hiĂ©rarchie, et qui ne lui viennent ainsi quâau second degrĂ© de leur manifestation.
Il. Ainsi la communication de la science qui se fait Ă un ange par le ministĂšre dâun autre ange, explique comment les dons cĂ©lestes semblent perdre de leur Ă©clat, Ă mesure que, sâĂ©loignant de leur origine, ils sâabaissent sur des ĂȘtres moins Ă©levĂ©s. Car comme nos maĂźtres dans les choses saintes enseignent que lâintuition pure nous instruit plus parfaitement que toute communication mĂ©diatement reçue, de mĂȘme je e pense que la participation directe Ă laquelle sont appelĂ©s les anges supĂ©rieurs, leur manifeste mieux la divinitĂ©, que sâils Ă©taient initiĂ©s par dâautres crĂ©atures.
Câest pour cela aussi que notre tradition sacerdotale dit que les esprits du premier rang purifient, illuminent et perfectionnent les Intelligences moins nobles, qui, par ce moyen, sâĂ©lĂšvent vers le principe sur-essentiel de toutes choses, et entrent, autant que leur condition permet, en part de la puretĂ©,de lâillumination et de la perfection mystiques. Car câest une loi gĂ©nĂ©rale, Ă©tablie par lâinfinie sagesse, que les grĂąces divines ne sont communiquĂ©es aux infĂ©rieurs que par le ministĂšre des supĂ©rieurs. Vous trouverez cette doctrine exprimĂ©e dans les Ăcritures.
Ainsi quand Dieu, par clĂ©mence paternelle, eut chĂątiĂ© IsraĂ«l prĂ©varicateur, en le livrant pour sa conversion et son salut au joug odieux des nations barbares, il voulut encore, essayant de ramener au bien les tendres objets de sa sollicitude, briser leurs chaĂźnes et les rĂ©tablir en la douceur de leur antique fĂ©licitĂ© : or, en cette circonstance, un homme de Dieu, nommĂ© Zacharie, vit un de ces anges qui entourent la divinitĂ© au premier rang (car comme jâai dit, la dĂ©nomination dâanges est commune Ă toutes les cĂ©lestes essences). Lâauguste Intelligence recevait de Dieu mĂȘme de consolantes paroles ; Ă sa rencontre sâavançait un esprit dâordre infĂ©rieur, comme pour connaĂźtre ce qui avait Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©. Et effectivement, informĂ© du conseil divin par cette initiation mystĂ©rieuse, il eut ordre dâen instruire Ă son tour le prophĂšte, qui apprit ainsi que JĂRUSALEM au sein de lâabondance se rĂ©jouirait de la multitude de ses habitants.
Un autre thĂ©ologien, ĂzĂ©chiel, nous fait savoir que le Seigneur trĂšs-glorieux, qui rĂšgne sur les chĂ©rubins, porta ce dĂ©cret dans son adorable justice : que dans les chĂątiments paternels qui devaient corriger, comme il a Ă©tĂ© dit, le peuple israĂ©lite, les innocents seraient misĂ©ricordieusement sĂ©parĂ©s des coupables. Cette disposition est communiquĂ© au premier des chĂ©rubins dont les reins brillent sous une ceinture de saphir, et qui a revĂȘtu la robe flottante des pontifes. En mĂȘme temps, il reçoit ordre de transmettre le secret divin aux autres anges armĂ©s de haches. Car pour lui, il doit traverser jĂ©rusalem, et placer un signe sur le front des hommes innocents ; et aux autres il est dit : Suivez-le au travers de la ville ; frappez, et que votre oeil ne se laisse point attendrir ; mais nâapprochez pas de ceux qui sont marquĂ©s du signe. Nâest-ce point par semblable disposition quâun ange dit Ă Daniel : Le dĂ©cret est prononcĂ© et quâun esprit du premier ordre va prendre des charbons ardents au milieu des chĂ©rubins. Et ne reconnaĂźt-on pas plus nettement encore cette distinction hiĂ©rarchique des anges, en voyant un chĂ©rubin placer ces charbons dans les mains de cet autre qui est revĂȘtu de lâĂ©tole sacrĂ©e ? en voyant quâon appelle lâarchange Gabriel et quâon lui dit : fais entendre cette vision au prophĂšte (5 ) en apprenant enfin tout ce que rapportent les thĂ©ologiens, touchant lâadmirable subordination des choeurs angĂ©liques Type auguste que notre hiĂ©rarchie doit reproduire aussi parfaitement quâil lui est possible, pour ĂȘtre comme un reflet de la beautĂ© des anges, et pour nous Ă©lever par leur ministĂšre vers le principe absolu de toute suprĂ©matie et autoritĂ©.
CHAPITRE 9
DE LA DERNIĂRE HIĂRARCHIE CĂLESTE QUI COMPREND LES PRINCIPAUTĂS, LES ARCHANGES ET LES ANGES
I. Il nous reste Ă considĂ©rer la derniĂšre des hiĂ©rarchie cĂ©lestes en laquelle brillent les saintes principautĂ©s les archanges et les anges. Mais je crois quâil faut dâabord constater, comme nous pourrons, le sens de leurs nobles qualifications. Or, le nom des cĂ©lestes principautĂ©s fait voir quâelles ont le secret divin de commander avec ce bon ordre qui convient aux puissances supĂ©rieures ; de se diriger invariablement elles-mĂȘmes et de guider avec autoritĂ© les autres vers celui qui rĂšgne par-dessus tout ; de se former, au degrĂ© oĂč câest possible, sur le modĂšle de sa principautĂ© originale et de manifester enfin son autoritĂ© souveraine par la belle disposition de leurs propres forces.
II. Lâordre des archanges appartient Ă la mĂȘme division que les saintes principautĂ©s. Il est vrai toutefois comme jâai dit ailleurs, quâils forment aussi une seule et mĂȘme division avec les anges. Mais comme toute hiĂ©rarchie comprend de premiĂšres, de secondes et de troisiĂšmes puissances, lâordre sacrĂ© des archanges est un milieu hiĂ©rarchique oĂč les extrĂȘmes se trouvent harmonieusement rĂ©unis. En effet, il a quelque chose de commun avec les principautĂ©s et avec les anges tout ensemble. Comme les unes, il se tient Ă©perdument tournĂ© vers le principe sur-essentiel de toutes choses, et sâapplique Ă lui devenir semblable, et mĂšne les anges Ă lâunitĂ© par lâinvisible ressort dâune autoritĂ© sage et rĂ©guliĂšre comme les autres, il remplit les fonctions dâambassadeur, et, recevant des natures supĂ©rieures la lumiĂšre qui lui revient, il la transmet avec divine charitĂ© dâabord aux anges et ensuite par eux Ă lâhumanitĂ© selon les dispositions propres de chaque initiĂ©. Car, comme on lâa dĂ©jĂ vu, les anges viennent complĂ©ter les diffĂ©rents ordres des esprits cĂ©lestes, et ce nâest quâen dernier lieu et aprĂšs tous les autres que leur Ă©choit la perfection angĂ©lique. Pour cette raison et eu Ă©gard Ă nous, le nom dâanges leur va mieux quâaux premiers, les fonctions de leur ordre nous Ă©tant plus connues et touchant le monde de plus prĂšs. Effectivement il faut estimer que la hiĂ©rarchie supĂ©rieure et plus proche par son rang du sanctuaire de la divinitĂ©, gouverne la seconde par des moyens mystĂ©rieux et secrets ; Ă son tour, la seconde, qui renferme les dominations, les vertus et les puissances, conduit la hiĂ©rarchie des principautĂ©s, des archanges et des anges dâune façon plus claire que ne fait la premiĂšre, mais plus cachĂ©e aussi que ne fait la troisiĂšme ; celle-ci enfin, qui nous est mieux connue, rĂ©git les hiĂ©rarchie humaines lâune par lâautre, afin que lâhomme sâĂ©lĂšve et se tourne vers Dieu, communie et sâunisse Ă lui, en suivant les mĂȘmes degrĂ©s par lesquels, au moyen de la merveilleuse subordination des hiĂ©rarchies diverses, la divine bontĂ© a fait descendre vers nous les saintes Ă©manations des lumiĂšres Ă©ternelles.
Câest pourquoi les thĂ©ologiens assignent aux anges la prĂ©sidence de nos hiĂ©rarchies, attribuant Ă saint Michel le gouvernement du peuple juif et Ă dâautres le gouvernement dâautres peuples ; car lâĂternel a posĂ© les limites des nations en raison du nombre de ses anges.
III. Si lâon demande comment donc il sâest fait que les HĂ©breux seuls furent appelĂ©s Ă la connaissance de la vĂ©ritĂ©, nous rĂ©pondrons quâil ne faut pas imputer Ă lâadministration des bons anges la chute universelle des peuples dans lâidolĂątrie, mais que, de leur propre mouvement, les hommes eux-mĂȘmes sont sortis de la voie qui mĂšne Ă Dieu, entraĂźnĂ©s par orgueil et perversitĂ© dans le culte honteux des divinitĂ©s mensongĂšres. Au reste, nous avons des preuves que les mĂȘmes choses arrivĂšrent Ă IsraĂ«l. Tu as rejetĂ© la connaissance de Dieu, dit le prophĂšte, et tu es allĂ© aprĂšs les dĂ©sirs de ton coeur. Car ni la fatalitĂ© ne domine notre vie, ni la libertĂ© des crĂ©atures ne saurait Ă©teindre les lumiĂšres que leur envoie la divine Providence ; seulement, Ă raison de lâinĂ©galitĂ© que prĂ©sentent les diffĂ©rents esprits, ou bien ils ne participent nullement, par suite dâune triste rĂ©sistance, Ă lâeffusion des splendeurs cĂ©lestes, ou bien le rayon divin, malgrĂ© son unitĂ©, sa simplicitĂ© parfaite, son immutabilitĂ© et sa plĂ©nitude, leur est communiquĂ© en des proportions diverses avec plus ou moins dâabondance, plus ou moins de clartĂ©. Et effectivement, les autres nations dâoĂč nous avons nous-mĂȘmes Ă©levĂ© les yeux vers cet immense ocĂ©an de lumiĂšre Ă la participation de laquelle tous sont libĂ©ralement conviĂ©s, les autres nations nâĂ©taient point rĂ©gies par je ne sais quels dieux Ă©trangers, mais bien par lâunique principe de tout ; et lâange gardien de chacune dâelles entraĂźnait vers la vĂ©ritĂ© souveraine les hommes de bonne volontĂ©. Et ici rappelez-vous en preuve MelchisĂ©dech, cet homme si aimĂ© des cieux, zĂ©lĂ© pontife, non pas dâimaginaires divinitĂ©s, mais du TrĂšs-Haut, qui est seul rĂ©ellement Dieu. Or, les thĂ©ologiens ne lâappellent pas seulement serviteur de lâĂternel, ils le nomment encore prĂȘtre, pour montrer aux esprits clairvoyants que non seulement il Ă©tait restĂ© fidĂšle Ă celui qui est, mais quâil initiait aussi ses frĂšres Ă la connaissance de la seule vraie divinitĂ©. IV. Je veux rappeler encore Ă votre science sacerdotale que les soins providentiels et lâabsolu pouvoir de Dieu furent manifestĂ©s en songe Ă Pharaon par lâange des Ăgyptiens et Ă Nabuchodonosor par lâange de Babylone, et que Joseph et Daniel, serviteurs du vrai Dieu, et qui Ă©galaient presque les anges en saintetĂ©, furent prĂ©posĂ©s Ă ces peuples pour expliquer les visions figuratives dont la divinitĂ© leur avait Ă eux-mĂȘmes appris le secret par le ministĂšre des cĂ©lestes esprits : car il nây a quâun seul principe de tout et une seule Providence. Câest pourquoi on ne doit pas sâimaginer quâune sorte de hasard ait fait Ă©choir Ă Dieu le gouvernement de la JudĂ©e, et quâen dehors de son empire, les anges ses rivaux ou ses adversaires, ou mĂȘme quelques autres dieux, prĂ©sident aux destinĂ©es du reste du monde. Certes, si on les comprend bien, nos Lettres sacrĂ©es ne veulent pas dire que Dieu ait partagĂ© avec dâautres dieux ou avec les anges lâadministration de lâunivers, tellement quâen cette division la nation hĂ©braĂŻque fĂ»t devenue son lot ; mais elles veulent dire quâune mĂȘme et universelle Providence ayant spĂ©cialement dĂ©signĂ© certains anges, commit Ă leur garde le salut de tous les hommes, et que, parmi lâinfidĂ©litĂ© gĂ©nĂ©rale, les enfants de Jacob conservĂšrent presque seuls le trĂ©sor des saintes lumiĂšres et la connaissance du TrĂšs-Haut. De lĂ vient que lâĂcriture, prĂ©sentant IsraĂ«l comme vouĂ© au culte du vrai Dieu: Il est devenu la portion du Seigneur, ajoute-t-elle. Et Ă dessein de montrer quâĂ lâĂ©gal des autres peuples IsraĂ«l avait Ă©tĂ© confiĂ© Ă lâun des anges, pour apprendre sous sa conduite Ă connaĂźtre le principe unique de toutes choses, elle rapporte que saint Michel est le guide sacrĂ© des Juifs. Par lĂ , elle nous fait entendre quâil nây a dans lâunivers quâune seule et mĂȘme Providence infiniment Ă©levĂ©e par sa nature au-dessus de toutes puissances visibles et invisibles ; que lâange prĂ©posĂ© Ă chaque nation attire vers la divinitĂ©, comme vers leur propre principe, ceux qui le suivent de tout lâeffort de leur bonne volontĂ©. |
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