LES ROMAINS
Parmi les Romains qui puisèrent la plupart de leurs connaissances en Grèce, Virgile
exprime clairement l'idée de la Palingénésie en ces termes :
Toutes ces âmes, lorsque pendant mille ans elles ont tourné la roue de cette existence (dans l'Elysée ou le
Tartare) Dieu les appelle en nombreux essaims au fleuve Léthé, afin que, privées du souvenir, elles
revoient les lieux supérieurs et convexes et commencent à vouloir retourner dans le corps.
Ovide dit aussi que son âme, lorsqu'elle sera purifiée, habitera les astres qui peuplent
le firmament, ce qui étend la palingénésie jusqu'aux autres mondes semés dans l'espace.
DRUIDISME
Les Gaulois, nos ancêtres, pratiquaient la religion des druides et croyaient à l'unité de
Dieu et aux vies successives. César dit1 :
Une croyance qu'ils cherchent toujours à établir, c'est que les âmes ne périssent point et qu'après la mort
elles passent d'un corps dans un autre.
Ammien Marcellin2 rapporte qu'en conformité avec l'opinion de Pythagore, ils
affirmaient que les âmes sont immortelles et qu'elles doivent animer d'autres corps.
C'est pourquoi, lorsqu'ils brûlaient leurs morts, ils jetaient dans le bûcher des lettres
qu'ils adressaient à leurs parents ou à leurs amis défunts, comme si ceux-ci devaient
les recevoir et les lire. Les Druides enseignaient qu'il y a trois cycles : 10 celui de
Ceugant, qui n'appartenait qu'à Dieu ; 2° celui de Gwynfid ou séjour de bonheur, et 30
celui d'Abri ou cycle des voyages, auquel appartenaient notre terre et les autres
planètes. La terre était un lieu de passage pour s'élever vers des mondes supérieurs.
L'idée de préexistence, et non de métempsycose, est nettement formulée par le barde
Taliésin, lorsqu'il dit : « J'ai été vipère dans le lac, j'ai été couleuvre tachetée sur la
montagne ; j'ai été étoile, j'ai été prêtre. Depuis que j'ai été pasteur, un long temps
s'est écoulé ; j'ai dormi dans cent mondes, je me suis agité dans cent cercles.
MOYEN AGE
Pendant toute la durée du moyen âge, la doctrine palingénésique resta voilée, car elle
était sévèrement proscrite par l'Eglise, alors toute-puissante ; cet enseignement fut
confiné dans les sociétés secrètes ou se transmit oralement entre initiés qui
s'occupaient des sciences occultes.
TEMPS MODERNES
Il faut arriver aux temps modernes et à la liberté de penser et de discuter
publiquement pour que cette vérité des vies successives renaisse à la grande lumière de
la publicité.
Un des plus éminents philosophes du XVIIe siècle, Leibniz, en étudiant le problème
de l'origine de l'âme, admet que le principe intelligent, sous forme de monade, a pu
se développer dans la filière animale.
1 Guerre des Gaules, livre VI, chap. XIV. Voyez aussi le chapitre XIX ad finem.
2 Livre XVI chap. IX.
Dupont de Nemours, un profond penseur du XVIIIe siècle, par la seule force du
raisonnement, admet, comme Charles Bonnet, que l'âme dégagée du corps est toujours
unie à une forme spirituelle qui lui permet de conserver son individualité, et
qu'après un séjour dans l'espace, elle revient sur la terre pour s'y perfectionner en
acquérant une moralité de plus en plus haute.
Dupont de Nemours, comme Leibniz, suppose que le principe intelligent a passé par tous
les organismes vivants avant d'arriver à l'humanité.
Le philosophe Lessing écrit :
Qui empêche que chaque homme ait existé plusieurs fois dans le monde ? Cette hypothèse est-elle si ridicule
pour être la plus ancienne ?... Pourquoi n'aurai-je pas fait dans le monde tous les pas successifs dans mon
perfectionnement qui, seuls, peuvent constituer pour l'homme des punitions et des récompenses temporelles
? »
A citer Ballanche, Schlegel, Saint-Martin qui expriment, chacun à sa façon, des idées se
rapprochant de celles de Dupont de Nemours au sujet de la Palingénésie.
Constant Savy, qui vivait au commencement du XIXème siècle, n'admet pas l'enfer
éternel, car ce châtiment serait une vengeance aveugle et implacable, puisqu'elle
punirait, par une éternité de supplices, les fautes d'une vie qui, si longue soit-elle, n'est
que quelques instants vis-à-vis de l'éternité. Il. admet la théorie des vies successives,
car, dit-il, l'immortalité de l'homme consiste en une marche progressive ; il prépare la
vie dans laquelle il entre par celle qu'il laisse ; enfin, puisqu'il y a deux mondes,
nécessairement l'un matériel et l'autre intellectuel, ces deux mondes, qui composent la
vie à venir, doivent avoir des rapports harmoniques avec le nôtre. En progressant luimême,
il fera progresser le monde.
Les philosophes de l'école spiritualiste, tels que Pierre Leroux et Fourier, ont admis la
pluralité des existences de l'âme.
Mais Fourier, avec son esprit systématique et aventureux, imagine des périodes de vies
humaines et extra-terrestres entremêlées. C'est ainsi qu'il y aurait exactement huit cent
dix existences, partagées en cinq périodes d'inégales étendues, et embrassa et une
durée de quatre-vingt mille ans !
Esquiros nous affirme que chacun de nous est l'auteur et pour ainsi dire l'ouvrier de
ses destinées futures. Les êtres ignorants ou dégradés qui n'ont pas su faire éclore leur
âme rentrent dans le sein d'une femme pour y revêtir un nouveau corps et accomplir
une nouvelle existence terrestre. Cette réincarnation se fait en vertu d'une grande loi
d'équilibre qui ramène tous les êtres au châtiment ou à la rémunération exacts de leurs
oeuvres. Ces renaissances sur la terre sont limitées et l'âme épurée va habiter des
mondes supérieurs.
Dans son beau livre : Terre et Ciel, Jean Reynaud expose magnifiquement la nécessité des
vies successives se développant sur la terre d'abord et ensuite sur les autres mondes qui
parsèment l'infini.
Malgré l'absence de la mémoire de nos existences passées, toujours nous nous succédons à
nous-même, toujours nous portons en nous-mêmes le principe de ce que nous serons
plus tard, toujours nous montons. Il suppose que dans la vie parfaite nous recouvrerons
la mémoire intégrale de tout notre passé, et ce sera pour nous un spectacle grandiose,
puisqu'il embrassera tout le cours de nos connaissances terrestres. Donc naître, ce n'est
pas commencer, c'est seulement changer de figure.
Il a eu pour disciple Pelletan et Henri Martin.
Si l'on admet, comme le croyaient déjà les Druides, que l'évolution ascendante de
l'âme a lieu dans l'infini du Cosmos, la pluralité des mondes habités devient un corollaire
logique de la pluralité des existences. C'est ce qu'a bien mis en lumière mon éminent
ami Camille Flammarion au milieu du siècle dernier.
Résumant sa pensée, voilà ce qu'il écrit :
Si le monde intellectuel et le monde physique forment une unité absolue, et l'ensemble des humanités
sidérales forme une série progressive d'êtres pensants, depuis les intelligences d'en-bas, à peine sorties des
langes de la matière, jusqu'aux divines puissances qui peuvent contempler Dieu dans sa gloire et comprendre
ses oeuvres les plus sublimes, tout s'explique et tout s'harmonise ; l'humanité terrestre trouve sa place dans les
degrés inférieurs de cette vaste hiérarchie et l'unité du plan divin est établie.
C'est en 1857 qu'Allan Kardec publia son Livre des Esprits dans lequel il expose
toutes les raisons philosophiques qui l'ont conduit à l'admission de la théorie des vies
successives, et c'est à lui, principalement, qu'est due la propagation de cette grande
vérité dans les pays de langue latine. Je reviendrai plus tard sur les arguments si
puissants qu'il a groupés et qui imposent la conviction à tout esprit impartial.
Il est bon de noter que la doctrine des vies successives a été vulgarisée au siècle
dernier, dans le grand public, par des romanciers tel que Balzac, Théophile Gautier,
George Sand, ainsi que par le grand poète Victor Hugo.
L'ENQUÊTE DE M. CALDERONE
Une enquête, instituée par M. Calderone1, directeur de la revue Filoso fia della
Scienza, en 1915, a prouvé que beaucoup de penseurs et de philosophes ont adopté
cette magnifique théorie palingénésique.
Le Dr Maxwell, l'auteur du livre Le Phénomène psychique, déclare :
Quant à moi, l'hypothèse de la Réincarnation me parait très acceptable... Elle explique l'Evolution et
l'Hérédité. Elle est moralisatrice. C'est une source d'énergie et en même temps elle aide au développement des
sociétés par le sentiment qu'elle impose d'une hiérarchie nécessaire.
Mais M. Maxwell ne croit pas qu'elle puisse se démontrer scientifiquement. J'essaierai
de prouver le contraire dans le cours de ce volume.
Le Dr Moutin admet la possibilité des vies successives, mais il les conçoit comme
s'accomplissant sur les autres terres du ciel au lieu de rester confinées à la terre.
M. de Rochas croit à l'évolution de l'être humain et il reconnaît, loyalement, que ses
expériences avec des sujets magnétiques pour provoquer la régression de la mémoire
jusqu'aux vies antérieures, n'ont pas donné de résultats positifs. Néanmoins il croit au
principe des vies successives comme il admet l'existence de Dieu, par le
raisonnement.
Le Dr Geley est nettement affirmatif ; il écrit :
Vous savez, mon cher ami, que je suis réincarnationniste et je le suis pour trois raisons : parce que la
doctrine palingénésique me semble, au point de vue moral, parfaitement satisfaisante ; au point de vue
philosophique, absolument rationnelle ; au point de vue scientifique, vraisemblable, ou mieux encore
probablement vraie.
M. Lancelin, dans sa réponse à l'enquête, affirme sa croyance à la réincarnation, car il
considère que la subconscience est la résultante de toutes nos consciences antérieures.
M. Léon Denis répond, bien entendu, affirmativement, d'autant plus qu'il a obtenu, ditil,
par des médiums inconnus les uns des autres, des détails concordants sur ses vies
antérieures. Par l'introspection, il croit à la réalité de ces révélations, car elles sont
conformes à l'étude analytique de son caractère et de sa nature psychique.
En Italie, le professeur Tummolo est un ardent défenseur de l'idée réincarnationniste.
M. Carreras admet qu'un commencement de preuves scientifiques a déjà été obtenu.
M. de Vesme, directeur des Annales des sciences psychiques, reste indécis, mais il a une
tendance à supposer qu'un jour nous arriverons à instituer des expériences qui nous
permettront de pénétrer le mystère de nos existences.
C'est à l'établissement de ce commencement de démonstration scientifique que ce livre
est consacré, et j'ai l'espoir qu'il ne sera pas inutile à la constitution de la future
science concernant l'âme humaine.
1 Voir Revue scientifique et morale du spiritisme, numéros d'août et septembre 1913.
Depuis quelques années nous assistons à la vulgarisation au moyen du roman de la
croyance aux vies successives.
C'est ainsi que nous avons vu paraître, presque coup sur coup, La Villa du silence, de
M. Paul Bodier; Réincarné, du Dr Lucien Graux ; Le fils de Marousia, de M. Gobron ; Un
mort vivait parmi nous, de Jean Galmot, et d'autres encore qui présentent cette
doctrine au moyen de fictions plus ou moins vraisemblables.
La Palingénésie a parfois inspiré des poètes tels que Théophile Gautier, Gérard de
Nerval et Jean Lahore, dont voici une pièce qui caractérise nettement son beau talent
et ses croyances :
Comme au fond des forêts et des chastes fontaines
Tremble un pâle rayon de lune enseveli,
Ami, le souvenir d'existences lointaines
Frissonne dans mon coeur sous les flots de l'oubli.
Je sens un monde en moi de confuses pensées,
Je sens obscurément que j'ai vécu toujours,
Que j'ai longtemps erré dans les forêts passées
Et que la bête encore garde en moi des amours.
Je sens confusément, l'hiver, quand le soir tombe,
Que jadis, animal ou plante, j'ai souffert,
Lorsque Adonis saignant dormait pâle en sa tombe,
Et mon coeur reverdit quand tout redevient vert.
Quand mon esprit aspire à la pure lumière,
Je sens tout un passé qui le tient enchaîné ;
Je sens couler en moi l'obscurité première,
La terre était si sombre aux temps où je suis né.
Mon âme a trop dormi dans la nuit maternelle ;
Pour monter vers le jour, qu'il me fallut d'efforts !
Je voudrais être pur : la honte originelle,
Le vieux sang de la bête est resté dans mon corps !
Si intéressants et si démonstratifs que soient les raisonnements philosophiques que nous
venons d'exposer, il faut nécessairement leur donner la consécration scientifique de
l'observation et de l'expérience pour faire passer la grande loi des vies successives dans
le domaine scientifique.
Je vais donc, en premier lieu, exposer les faits qui appuient irréfutablement
l'existence de l'âme, sa véritable nature si différente de ce que les religions et les
philosophies nous avaient enseigné à cet égard.
CHAPITRE II
Les bases scientifiques de la réincarnation.
Les propriétés du périsprit.
Le Spiritisme démontre scientifiquement l’existence de l’âme et du périsprit. – Celui-ci est
inséparable du principe pensant. – Démonstration de cette grande vérité par l’étude des manifestations
de l’âme pendant la vie et après la mort. .
Le périsprit est l’idée directrice d’après laquelle le corps humain est construit. – Il entretient et répare
l’organisme. – Il ne peut pas être un produit de la matière. – emporte avec lui dans l’espace cette
faculté organisatrice qui lui serait inutile s’il ne devait pas revenir sur la terre. – Où a-t-il pu acquérir
ces propriétés ? – Sur la terre évidemment. – Il est logique d’admettre qu’il a passé par la filière
animale.
Le grand mérite des magnétiseurs spiritualistes et des spirites est d'avoir essayé de faire passer
l'étude de l'âme humaine du domaine de la psychologie proprement dite dans celui de
l'observation scientifique, en étudiant les manifestations objectives de l'être pensant. Pendant
tout le XIXème siècle, la philosophie officielle s'est cantonnée dans le domaine de
l'introspection, en négligeant systématiquement les faits si nombreux et si intéressants des
actions extra-sensorielles de l'être humain.
Mais, grâce à la Société anglaise des Recherches psychiques, il est établi maintenant que la
télépathie est une réalité indiscutable, que la clairvoyance, soit pendant le sommeil, soit à l'état
de veille, est bien réelle, et qu'enfin la prévision de l'avenir a été maintes fois constatée.
Ces facultés nouvellement connues appartiennent en propre à l'âme et ne peuvent
s'expliquer par aucune propriété physiologique du corps. Ces constatations sont d'une
importance considérable, mais ces découvertes sont encore surpassées par celle du corps fluidique
de l'âme que les spirites appellent périsprit. Ce corps spirituel a été soupçonné de tout
temps, car les Hindous l'appelaient déjà le Linga Sharira ; les Hébreux, Néphesph ; les
Égyptiens, Ka ou Bai ; les Grecs, Ochéma ; Pythagore, le Char subtil de l'âme ou
Eidolon; le philosophe Cudworth, le médiateur plastique ; et les occultistes, le corps astral.
Ce double de l'organisme a été signalé par les somnambules qui le voyaient sortir du corps
matériel au moment de la mort, ou se dégager d'eux-mêmes quand ils s'extériorisaient. C'est
ce principe intermédiaire entre l'esprit et la matière qui individualise l'âme, qui lui permet de
conserver sa conscience et ses souvenirs après la mort, de même que pendant la vie, il maintient
le type corporel, l'entretient et le répare pendant toute la durée de l'existence. Je vais donc
rappeler sommairement les différents genres de preuves que nous possédons pour établir la réalité
de cet organisme suprasensible, encore si inconnu de la science actuelle.
APPARITIONS DE VIVANTS
J'ai résumé, dans le premier volume de l'ouvrage : Les apparitions matérialisées des
Vivants et des Morts, un certain nombre d'exemples authentiques qui démontrent que,
pendant la vie, l'âme peut sortir de son corps physique pour se montrer au loin avec un second
corps identique au premier, et, dans certains cas, jouissant temporairement des mêmes
propriétés. Il ne s'agit plus ici de théories plus ou moins contestables : c'est la nature ellemême
qui parle. Entre cent autres preuves, citons celle rapportée par l'illustre journaliste
anglais W. Stead1 ; il a vu, durant plus d'une heure, le double matérialisé d'une de ses
amies qui, pendant ce temps, était couchée dans sa chambre.
Le sosie avait assez de force pour pousser une porte, tenir un livre et marcher. Le
double était à ce point identique au corps charnel que les assistants ne se sont pas doutés
qu'ils étaient en présence de l'apparition matérialisée d'une vivante.
1 Les Apparitions matérialisées des vivants et des morts, p. 266, t. I.
Il existe bien d'autres cas semblables, et l'on ne saurait trop appeler l'attention des
chercheurs sur ces manifestations spontanées. Ici aucun médium n'est nécessaire. C'est dans
son propre organisme que l'esprit trouve les forces suffisantes pour donner à son corps
spirituel les apparences de la matière. Or, pour marcher, pour tenir un livre, il faut que
le fantôme soit organisé. Il est indispensable qu'il ait des appareils extra-physiologiques
qui jouent le même rôle que des membres charnels. La dame de Stead tenait, avec sa
main fantômale, le livre qu'on lui offrit, exactement comme elle eût agi avec sa main
ordinaire ; c'est là un fait, et non une hypothèse.
De même1, quand le fantôme d'un passager écrivait sur une ardoise l'indication qui devait
sauver le navire en détresse sur lequel son corps physique se trouvait endormi, il agissait
encore comme il l'eût fait pour écrire dans la vie normale ; il possédait un organe de
préhension qui lui permettait de tenir la craie. Il dirigeait les mouvements du crayon en
lui imprimant les changements de direction nécessaires pour produire le graphisme. En
un mot, il y avait une véritable duplication du corps physique et elle devait s'étendre
jusqu'aux plus petits détails de la constitution anatomique, puisque les actes exécutés
sont les mêmes. Je rappellerai également que le double de Mme Fay2, dans la célèbre
expérience de Crookes et Varley, apparut entre les rideaux du cabinet, tenant elle aussi un
livre à la main qu'elle donna à un assistant, alors que son corps de chair et d'os, en
léthargie, était parcouru par un courant électrique qui assurait qu'il n'avait pas bougé.
La déduction qui s'impose immédiatement à l'esprit, c'est qu'il existe en chacun de nous
un second corps, identiquement semblable au premier, qui peut s'en séparer, et,
momentanément ; le remplacer, afin de permettre à l'âme extériorisée d'entrer en rapport
avec le monde extérieur. Parlant de la bilocation d'Alphonse de Liguori, lequel assista le pape
Clément XIV à ses derniers moments, à Rome, pendant que ses serviteurs constataient, le
même jour, que le vénérable prélat dormait dans sa cellule d'Arienzo, province de
Naples, Durand (de Gros), un médecin de haute envergure philosophique, est amené à
écrire3 :
Si le fait en cause et les faits ou prétendus faits semblables qui nous sont décrits journellement dans
les publications de la télépathie scientifique sont avérés, sont prouvés ; si, en un mot, force nous est de
les admettre, quoi qu'il nous en coûte, eh bien, une conséquence me parait découler de là avec la plus
limpide et la plus irrésistible évidence : c'est qu'à la nature physique apparente est associée une nature
physique occulte qui est fonctionnellement son équivalente, quoique de constitution tout autre.
C'est que l'organisme vivant que nous voyons, et que l'anatomie dissèque, a également pour doublure
(si ce n'est plutôt lui-même qui est la doublure) un organisme occulte sur lequel n'a prise ni le scalpel,
ni le microscope, et qui, pour cela, n'en est pas moins pourvu - mieux que l'autre peut-être - de tous les
organes nécessaires au double effet qui est toute la raison d'être de l'organisation vitale recueillir et
transmettre à la conscience les impressions du dehors et mettre l'activité psychique à même de s'exercer
sur le monde environnant et de la modifier à son tour !!
C'est, sous une forme lapidaire, la conclusion à laquelle on ne pourra plus échapper
désormais.
En effet, dans son dernier livre de l'Inconscient au Conscient, le Dr Geley est
amené lui aussi aux conclusions suivantes, après avoir signalé toutes les obscurités
de l'enseignement physiologique officiel4 :
Il faut et il suffit, en effet, dit-il, pour tout comprendre, le mystère de la forme spécifique, le
développement embryonnaire et post-embryonnaire, la constitution et le maintien de la
personnalité, les réparations organiques et tous les autres problèmes généraux de la biologie,
d'admettre une notion non pas nouvelle, certes, mais envisagée d'une façon nouvelle, celle d'un
dynamisme supérieur à l'organisme et le conditionnant5 .
1 Les Apparitions matérialisées des vivants et des morts, t I, p. 275.
2 Les apparitions matérialisées des vivants et des morts p. 400.
3 DURAND (de Gros), Le Merveilleux scientifique, p. 148.
4 Dr Gustave GELEY. De l'Inconscient au Conscient, p. 51.
5 Voir mon livre, L'Evolution animique, dans lequel j'attribue au périsprit ce mécanisme
psycho-dynamique.
Il ne s'agit pas seulement de l'idée directrice de Claude Bernard, sorte d'abstraction, d'entité
métaphysico-biologique incompréhensible ; il s'agit d'une notion concrète, celle d'un dynamisme
directeur et centralisateur, dominant les contingences intrinsèques, les réactions chimiques du milieu
organique comme les influences ambiantes du milieu extérieur.
Allan Kardec, voici plus de soixante-dix ans, enseignait déjà cette duplication de l'organisme,
que nous vérifions aujourd'hui avec tout le luxe de précautions qu'exige la
méthode scientifique. Si, en effet, le scalpel et le microscope sont impuissants à
révéler l'existence du périsprit, la photographie, d'une part, peut déceler la présence
du fantôme extériorisé d'un vivant, même invisible pour l’oeil, car nous en avons
des exemples parfaitement authentiques, de même que les expériences du colonel
de Rochas nous font assister à l'exode de la sensibilité et de la motricité du sujet
en expérience. Ces phénomènes objectifs font heureusement intervenir l'expérience
dans un domaine qui semblait réservé exclusivement à l'observation ; en même temps,
ils enlèvent jusqu'à l'ombre d'une incertitude sur la véritable cause. Dans tous les cas, c'est
l'âme humaine, et elle seule, qui intervient, car, lorsque l'on veut obtenir des
dédoublements expérimentaux, on choisit le lieu, le temps, les conditions, et celui qui
agit peut même parfois se souvenir de ce qui s'est produit pendant qu'on le voyait à distance. Il
a la sensation d'être transporté à l'endroit même où il a été visible, et il ne se trompe
pas, car il -peut décrire avec exactitude les choses inconnues qui se trouvaient dans
les lieux qu'il a visités anormalement.
Mieux encore, dans les séances avec Eusapia, par exemple, on assiste au synchronisme des
mouvements physiques du corps charnel et de ceux du corps fluidique : l'effort physique,
physiologique, s'est transporté à distance, et il reste des traces objectives de cette action
extra-corporelle. Ce sont des meubles déplacés, des pressions exercées sur des appareils
enregistreurs et surtout, résultat précieux, des empreintes et des moulages qui permettent de
se rendre compte, de visu, de la nature de la cause agissante1.
En présence de pareilles constatations apparaît l'inanité des théories catholiques, occultistes,
théosophiques qui font intervenir des êtres étrangers pour l'explication des phénomènes. Lorsque
M. Siemiradsky constate que les empreintes laissées sur du noir de fumée par la main
fluidique, que l'on a sentie ou que l'on a vue opérer, sont identiques aux dessins de
l'épiderme de la main d'Eusapia, il faut avoir une robuste imagination et une absence totale
d'esprit scientifique, pour s'imaginer que c'est un démon qui s'est amusé à ce petit jeu.
De même, quand on obtient une empreinte en creux de son visage dans du mastic,
comme je l'ai constaté moi-même2, point n'est besoin des cohortes infernales pour l'explication. Il
n'y a là aucun miracle, nulle intervention étrangère, mais seulement l'action du corps fluidique,
dont ces phénomènes démontrent l'existence avec une force irrésistible.
Si réellement on cherche la vérité, en dehors de toute idée préconçue, il est nécessaire de
suivre les faits pas à pas et de ne pas multiplier les causes sans nécessité. Lorsqu'on
trouve dans l'être humain la raison suffisante d'un phénomène, il est anti-scientifique de les
interpréter par des causes étrangères - surtout lorsque celles-ci sont hypothétiques - comme
c'est le cas pour les démons, les anges, les loques, les coques astrales, les élémentaires,
etc.., ou toutes autres entités jusqu'alors imaginaires.
Il ressort directement de l'observation et de l'expérience que l'individu humain est capable,
dans des circonstances spéciales, de se séparer en deux parties : d'une part, on voit le
corps physique, généralement inerte, plongé dans un sommeil profond, et, de l'autre, un
second corps, duplicata absolu du premier, qui agit au loin intelligemment, d'où il faut inférer
que l'intelligence accompagne le sosie et que celui-ci n'est pas une simple image virtuelle,
une effigie sans conscience.
1 Voir pour la justification, les expériences du professeur BOTAZZI, dans le tome I des
Apparitions matérialisées des vivants et des morts. Voir aussi les travaux du professeur de
CRAWFORD, Revue métapsychique, 1921.
2 Les Apparitions matérialisées des vivants et des morts ; t. I, p. 452 et suivantes.
APPARITIONS DE DÉFUNTS
Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que le dédoublement s'observe aussi bien chez
les personnes parfaitement vivantes qu'avec celles qui sont sur le point de mourir, ou enfin
qui ont disparu depuis plus ou moins longtemps de notre monde objectif. Les fantômes des
morts sont aussi nombreux, aussi bien observés que ceux des vivants. Ils ont exactement
les mêmes apparences extérieures et souvent la même objectivité que les doubles de vivants
matérialisés, ce qui nous contraint logiquement à leur attribuer la même cause : l'âme
humaine, ; d'où il résulte péremptoirement ce fait si important que la mort ne l'a pas
anéantie. C'est la preuve de la survivance qui se révèle à nous par l'observation des
phénomènes naturels, et chaque jour qui s'écoule voit s'augmenter le formidable dossier
que nous possédons déjà.
Il existe dans les Proceedings de la Société de Recherches psychiques deux mémoires sur les
apparitions des morts, celui de M. Gurney complété par F.-W.-H. Myers, et un autre de
Mme Sidgwick, dans lesquels il est possible d'observer tous les genres d'apparitions.
On y remarque des hallucinations télépathiques proprement dites, celles que le voyant
construit lui-même ; puis des visions clairvoyantes ; enfin des apparitions collectives, comme
cela a lieu pour les fantômes des vivants. Nous savons que l'on peut obtenir,
expérimentalement, la même série de phénomènes entre deux opérateurs vivants dont l'un,
sans prévenir l'autre, agit sur lui pour apparaître à ce dernier1. Ici, la cause du phénomène
n'est pas douteuse, c'est l'agent2, et lui seul, qui est l'auteur de l'apparition dont il a fixé
à son gré le jour et l'heure ; parfois il a conservé le souvenir de son déplacement et a pu
noter les détails de ce qu'il a observé pendant que le percipient le voyait.
Après la mort, je le répète avec insistance, des faits absolument semblables se produisent3. Les
apparitions de défunts ont des caractères identiques à celles des fantômes de vivants, et, si
c'est bien l'âme humaine qui produit ces derniers, l'induction la plus légitime permet
d'attribuer les fantômes des morts à la même cause, c'est-à-dire à l'âme que la mort
corporelle n'a pas anéantie. Celle-ci continue donc sa vie et possède encore une substantialité
qui perpétue son type terrestre. L'hallucination doit être exclue pour - l'explication lorsque
la vision d'un décédé possède un des caractères suivants :
1° Le fantôme, s'il est connu du percipient, montre par des signes particuliers,
ignorés du voyant, qu'il était ainsi de son vivant (blessures, cicatrices, vêtement spécial, etc..). Il
est manifeste que si la vision est seulement clairvoyante, il faut néanmoins que celui qui la
produit soit là, sans quoi elle n'aurait pas lieu.
2° L'apparition est celle d'une personne que le sujet n'avait jamais vue auparavant ;
cependant, la description qu'il en fait est suffisamment précise pour en établir l'identité. Il
serait absurde d'attribuer au hasard la reconstitution assez fidèle d'un individu pour
qu'elle permette de le reconnaître ; il faut donc que celui-ci soit présent, ce n'est pas une
simple image, une sorte de cliché coloré, car ces manifestations montrent un caractère intentionnel
qui décèle une intelligence.
3° L'apparition donne un renseignement dont l'exactitude est reconnue
ultérieurement, ou elle relate un fait réel totalement inconnu du percipient.
4° On a pu obtenir, accidentellement ou volontairement, des photographies de
ces fantômes.
5° Plusieurs témoins ont été successivement ou simultanément affectés par la
manifestation de l'être matérialisé.
6° Enfin des animaux et des hommes ont perçu collectivement l'apparition.
Tous ces faits sont inexplicables autrement que par l'action directe de l'être
désincarné. La télépathie entre vivants, ou la télépathie retardée ne s'appliquent
pas à ces phénomènes, qui sont des démonstrations directes de l'immortalité du moi.
1 Voir : Les Apparitions des vivants et des morts, vol. I, chap. V : Essai d'apparitions
volontaires, p. 199.
2 On appelle agent celui dont on voit le fantôme, et percipient celui qui éprouve la vision.
3 Voir les trois volumes de C. FLAMMARION : La Mort et son Mystère, récemment parus.
|
|