Vie pratique - Actualités
Irak : chiites/sunnites, le piège américain

Tous les jours des dizaines de civils irakiens sont tués dans des mosquées, dans des marchés ou dans la rue. Tant qu’il s’agissait de candidats policiers, la main de la résistance était claire, mais s’agissant de civils, le spectre de la guerre civile inter communautaire plane sur l’Irak. Est-il voulu ou crée par les américains ?



Islamisme et frères musulmans

En 1979, quand la révolution a amené le régime islamique en Iran puis en Septembre 1980, quand la guerre Irak/Iran a éclaté, les médias occidentaux brandissaient à tous les pays arabes la menace de contagion de ce régime. Tous les pays arabes étaient obligés de s’expliquer et de se justifier par rapport à l’Islam. Etant eux-mêmes musulmans, ils n’avaient en réalité rien à craindre d’un régime islamique, mais ils avaient besoin d’un retour aux sources et fondements de l’Islam pour contrer « les islamistes »; le mot était nouveau : on les appelait « les frères musulmans », made in Egypt. Au Maroc, on commençait à entendre vaguement parler de partis politiques issus des frères musulmans, même si la plupart, sinon tous, étaient clandestins. On commençait à voir apparaitre « le voile » et « la barbe ». Tous les pays musulmans ont connu une ferveur religieuse, la plupart du temps encouragée et canalisée par le pouvoir politique vers l’aspect rituel en mettant l’accent sur les différents courants religieux. Mais le fondamentalisme était recherché pour contrer une éventuelle contagion de la révolution islamique sur le plan politique. Jamais tout au long des années 80 et 90, on n’a soulevé un problème chiite / sunnite. Le problème au Maroc était davantage relatif à la propagation incontrôlée du rite wahhabite saoudien alors que le rite malékite était celui en vigueur depuis l’an 786 à l’arrivée de Moulay Idriss I dans la ville romaine de Volubilis. Peu de gens au Maroc savaient que l’Islam iranien était chiite et peu de gens savaient ce que « chiite » voulaient dire. Même ceux qui étaient plongés dans les racines de l’histoire musulmane ignoraient que les sunnites et les chiites étaient « ennemis » les uns des autres. Il a fallu que les Etats-Unis envahissent l’Irak en Janvier 2003 et que cette invasion illégale entreprise sous les motifs trompeurs de détention par l’Irak d’armes de destruction massive (ADM) et de « démocratisation du Grand Moyen Orient » entraine la mise en place d’un nouveau gouvernement pour que l’on se rende compte qu’il y a un problème de rivalité religieuse entre sunnites, chiites et kurdes pouvant déboucher sur une guerre civile.

« Le chaos créateur »

Or, en réalité, ce sont les occupants qui ont écarté du pouvoir les sunnites- déclarés « minorités » alors même qu’ils représentent le tiers de la population- car ils sont de la même sensibilité religieuse que Saddam Hussein et le parti Baas panarabe. Les américains sont allés chercher de faux « dissidents » chiites irakiens exilés et sont tombés sur des escrocs du genre Chalabi et compagnie. Ils sont allés chercher des dirigeants kurdes ennemis de Saddam et des sunnites pour les mettre au pouvoir. Pire, ils ont crée des terroristes du genre de Zarkaoui, un jordanien repris de justice pour viol pour mettre le feu aux poudres en commettant des attentats sur des populations civiles des 3 communautés. Le jugement théâtral de Saddam, puis le scénario macabre de sa pendaison le jour de l’Aid Al Adha par des bourreaux scandant le nom du dignitaire religieux chiite Mouqtada Sadr en est la preuve formelle : les Etats-Unis voulaient créer une guerre civile en Irak, c’était la seule façon pour eux de justifier 3 choses :

1°) Le maintien de l’armée américaine en Irak.
2°) La préparation de la « guerre psychologique» contre l’Iran chiite et son programme nucléaire.
3°) La partition de l’Irak comme première étape d’une refonte géographique du Moyen Orient avec la création d’un territoire kurde amputant l’Irak, la Turquie et l’Iran.

En effet, qui a intérêt à tuer des étudiants à la sortie de l’Université ? Qui a intérêt à tuer des pèlerins chiites iraniens de retour de la Mecque ? Comment un camion chargé de plus d’une tonne d’explosifs peut-il circuler librement pour s’exploser en pleine foule et tuer plus de 135 civils ? Que fait l’armée américaine en Irak ? Du « bodycounting », le comptage des morts ? Il est clair que les américains cherchent à établir un apartheid pour créer un Nouveau Moyen Orient, et c’est cela la nouvelle stratégie de Bush.

Actuellement, la guerre civile s’est installée en Irak. Bagdad, la ville lumière d’Haroun Er Rachid du XIIème siècle, 5 fois millénaires et berceau de toutes les civilisations, est détruite et ruinée. Il ne se passe pas un jour sans son lot de morts et de blessés. L’accent est de plus en plus mis par les médias contrôlés par les américains sur les rivalités religieuses. Le tout est destiné à rallier politiquement et financièrement les monarchies pétrolières du Golfe à cette entreprise que les néoconservateurs américains appellent le « chaos créateur » qui consiste à détruire une nation par la création de foyers de conflits pour justifier une reconstruction en fonction de leurs intérêts pétroliers évidents.

Pour rallier les états arabes, les américains ont brandi la menace du nucléaire iranien, mais cette menace peut s’avérer injustifiée, voire insuffisante pour la raison essentielle qu’aucun pays arabe ne verrait d’un mauvais œil l’Iran détenir l’arme nucléaire ne serait ce que pour établir un nouvel équilibre militaire face à Israël. Les déclarations du Président iranien Mahmoud Ahmadinejad à l’égard du sionisme ne sont pas pour déplaire aux arabes. C’est pourquoi, la menace chiite née de la guerre civile en Irak semble aux américains être une menace plus crédible à l’égard des pays arabes majoritairement sunnites. Mais est-ce une réalité ou un complot ?

Des rapports historiques entre les sunnites et les chiites

L’Imam Hussain, fils de Ali ibn Abi Talib, cousin et gendre du prophète, était marié à Shahr Banû (dame de la cité) une des filles du dernier empereur sassanide de Perse Yazdgard III. Il avait un pouvoir religieux et politique qui rivalisait par sa légitimité avec le pouvoir militaire du calife Umayyade de Damas. De surcroit, les luttes de succession après la mort du prophète, n’étaient pas enterrées. Une frange de musulmans, appeléé chiite,n’a jamais admis le pouvoir des califes (Abou Bakr, Omar, Othman) et considérait que la gouvernance devait revenir aux Ahl Al Bayt, aux gens de la maison du prophète, c'est-à-dire ses successeurs, en l’occurrence Ali, puis Hassan et Hussein, d’où les Imamats.

L’Imam Hussain a été décapité par le fils du calife Umayyade, Yazid en 680, le jour de l’Achoura à Kerbala. Toute sa famille (70 personnes) y périt à l’exception du plus jeune de ses enfants, Ali Zayn Al Abidine, devenu 4ème Imam. C’est la mort d’Hussein qui a entrainé la rupture entre les chiites et ceux qu'on a nommés plus tard du terme de sunnites. Douze Imams succédèrent au pouvoir (Actuellement l’Iman Ali Khamenei, le guide suprême de la république islamique, incarne ce rôle). Les musulmans sous les califes considéraient eux que la gouvernance revenait aux plus méritants et étaient aidés en cela par Aicha, la plus jeune et la préférée des épouses du prophète.

En quoi doit-on considérer les chiites comme les ennemis des sunnites? Les chiites sont de fervents musulmans, croyants en Allah, au prophète Mohammed et au Coran. Leur attachement à l’Imam Ali ne gène en rien les sunnites. La différence des rites religieux entre les 2 courants est minime, voire secondaire. Il y a d’ailleurs autant de différences de rites entre les écoles sunnites entre elles qu’entre les sunnites et les chiites.

Doit-on craindre une hégémonie et l’exportation de la révolution islamique aux pays arabes surtout avec la montée de l’islamisme ? L’islamisme dans les pays musulmans arabes, turcs ou asiatiques n’a rien de chiite ou d’iranien. Le cas des sympathies du Hamas arabe sunnite avec l’Iran est stratégique (sortir du blocus occidental) mais c’est aussi la raison pour laquelle le Hamas subit les colères des régimes arabes pro-américains.

Il serait utopique de donner un semblant de réalisme à l’émergence d’une nation arabo-musulmane sous domination d’un Imamat iranien. Comme il serait utopique de donner du crédit à une nation arabe califale. Le rêve peut paraitre séduisant aux populations arabes, mais les intérêts sont contradictoires. En outre, chaque région a ses spécificités. Le Maghreb a les siennes. C’est l’occident arabe avec son histoire propre, sa géographie physique et sociale différente du Machrek; enfin avec ses intérêts économiques tirés de ses relations avec des espaces multiples. Si une fédération entre les pays arabes doit se construire, elle se fera comme pour l’Union Européenne sur la base d’un rapprochement régionale (exemples UMA, EAU, Etats du Golfe) et la création d’institutions de coordination des politiques nationales; et le tout sur une période d’au moins une, voire deux générations. Le temps des révolutions est dépassé et il serait insensé de tomber de nouveau dans le piège étasunien, comme ce fut le cas en Septembre 1980 pour l’Irak, et d’approuver une attaque contre l’Iran, sous prétexte de menace chiite contre les pays arabes. Il serait illusoire pour les arabes de penser tirer un quelconque bénéfice d’une nouvelle agression occidentale sur un pays musulman. L’exemple de l’Irak est clair. Une attaque contre l’Iran serait une catastrophe pour les arabes et pour les musulmans.

Les luttes intercommunautaires en Irak sont exacerbées par les américains pour faire tomber les arabes sunnites dans le piège d’un conflit direct ou indirect avec l’Iran. Les médias occidentaux décrivent les sunnites et les chiites comme des « frères ennemis ». Moi-même étant sunnite, comme 90 % de musulmans, (et descendant du prophète par l’Imam Hussain), je n’ai jamais senti la moindre anomosité envers les chiites et ils n’ont jamais été mes ennemis. Et en quoi le serai-je ou le seraient-ils ? En quoi dois-je craindre l’Iran ? En rien.

Va-t-on comploter contre chaque pays arabe et désigner l’Iran responsable de ce complot pour créer l’ennemi ? Les américains ont utilisés l’Islam contre le communisme et aujourd’hui, ils l’utilisent contre lui-même et ce, en le divisant. Diviser pour régner, c’est le même piège américain qui se produit depuis 1910 lorsque la Fondation Carnegie, premier think-tank américain a planifié la première guerre mondiale de 14-18 pour établir le « chaos créateur » dans « la vieille Europe » dans le but de l’affaiblir et de commencer à assoir sa domination sur le monde au début du XXème siècle. Opposer chiites et sunnites, c’est le piège américain pour « refaire la carte » du Moyen-Orient et maintenir son hégémonie sur le monde en ce début du XXIème siècle. Entre temps, c’est Bagdad qui brule tous les jours et c’est Bagdad qui meurt tous les jours.




Irak : chiites/sunnites, le piège américain (Vie pratique - Actualités)    -    Auteur : Eric - Dominique


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dernière mise à jour : 2007-07-28

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