Le spectre de la récession se rapproche aux Etats-Unis, au point que le président de la banque centrale américaine (Fed), Ben Bernanke, l'a clairement évoqué pour la première fois ce mercredi.
«Une récession est possible», a-t-il concédé au cours d'une séance de questions-réponses à l'issue d'un discours au Congrès. «Mais la récession est un terme technique (...) dépendant de données qui ne seront pas disponibles avant un bon moment, donc je ne peux pas pour le moment dire si les Etats-Unis devront ou non affronter une telle situation», a-t-il ajouté.
On parle de récession quand le Produit intérieur brut (PIB) d’un pays baisse sur deux trimestres consécutifs. «Il est clair que nous sommes dans une période de croissance lente», a ajouté Ben Bernanke.
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«Une récession économique ne peut plus désormais être exclue aux Etats-Unis.» C'est ce qu'à estimé ce lundi soir à Bruxelles le président de l'Eurogroupe, forum des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker.
Un vent de panique a en effet soufflé sur les marchés financiers dans la journée. Les Bourses d'Europe ont plongé, subissant pour les principales leur plus forte baisse en une séance depuis le 11 septembre 2001. Londres a cédé 5,48%, Francfort 7,16%, Paris 6,83%, Madrid 7,54%, Milan 5,17%, la Bourse suisse 5,26%, celle de Sao Paulo 6,6% et celle de Buenos Aires 6,27%.
Grande nervosité
«C'est vraiment le “sell-off”», mouvement brutal de vente, a souligné Ronald Petitjean, gérant de Sarasin Expertise. Les marchés américains étaient fermés, jour férié oblige (The «Martin Luther King Day»), ce qui aurait dû modérer les volumes dans le reste du monde. Mais le montant des transactions a été au contraire très élevé, signe d'une grande nervosité.
En cause, selon plusieurs analystes, la déception suscitée par le plan de relance annoncé vendredi dernier par George W. Bush, insuffisant pour certains ou susceptible d’être rejeté par les démocrates pour les autres.
Pour le FMI, la crise est «sérieuse»
«Il y a une déception, puisque le plan ne s'adresse pas aux risques financiers. C'est un plan classique de relance par la consommation», a affirmé Jean-Louis Mourier, économiste pour la maison de courtage française Aurel. «Les Bourses n'ont pas apprécié, semble-t-il, le paquet proposé par le président Bush», a renchéri Dominique Strauss-Kahn.
Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) a semblé accréditer la thèse d'une large propagation de la récession américaine en affirmant que la crise financière en cours était «sérieuse» et qu'elle pouvait affecter les pays émergents.
Pour Bruxelles aussi
A Bruxelles, le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaire Joaquin Almunia a quant à lui noté que «les marchés (semblaient) envisager la possibilité d'un ralentissement plus prononcé» qu'attendu de la croissance aux Etats-Unis, «peut-être même une récession».
«J'espère qu'ils vont aussi prêter attention aux informations sur l'économie réelle, en particulier en Europe, et qu'ils vont retrouver leur calme», a-t-il ajouté, avant la réunion des ministres des Finances de la zone euro.
Martin Oeser DDP/AFP ¦ Un courtier à la Bourse de Francfort, le 21 janvier 2008
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Chute des bourses: «Il ne faut surtout pas céder à la panique»
Nicolas Bouzou, directeur de l’institut d’analyse économique Asteres, explique pour 20minutes.fr les raisons de la dégringolade des bourses mondiales ce lundi...
Les bourses européennes et asiatiques chutent dangereusement depuis ce matin. Faut-il craindre un krach boursier?
En réalité, il a déjà commencé depuis un certain temps. Si les bourses dévissent un peu plus que d’habitude aujourd’hui, c’est lié au jour férié aux Etats-Unis (The «Martin Luther King Day»). Mais on ne peut pas parler de krach boursier mondial à partir du moment où la bourse américaine est fermée. En France, toutefois, on assiste bel et bien à un mini-krach avec la baisse du CAC 40 de 6 ou 7%.
Les analystes attribuent aussi cette dégringolade à la déception que le plan Bush a suscitée...
Ce n’est pas tant le plan Bush qui inquiète les investisseurs que le fait qu’il risque de ne pas passer. Sa proposition de débloquer 1% du PIB via des baisses fiscales envers les ménages et les entreprises est plutôt intéressante, voire indispensable. Mais les démocrates, majoritaires au Congrès, feront sans doute blocage car ils jugent ce plan insuffisant pour les personnes les plus modestes. Il y a bien sûr un peu de posture politique en ces temps de campagne électorale. Autant d’éléments qui créent de l’incertitude sur les marchés.
Combien de temps cette situation peut-elle durer?
C’est très difficile à dire. Les banques elles-mêmes ne savent pas combien de temps va se répercuter la crise des «subprimes» (prêts à taux variables), qui a commencé à peser sur les marchés financiers à l’été dernier. Une chose est sûre, même si les cours continuent à baisser pendant trois mois, il ne faut pas céder à la panique. Les petits porteurs doivent arrêter d’aller suivre le cours de leurs actions sur les sites de bourse, et attendre que l’orage passe. Car c’est justement en vendant précipitamment leurs actions qu’ils tirent le marché vers le bas.
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«L’impact de cette crise pèsera davantage sur les économies françaises et européennes»
La crise que traversent les places boursières européennes n’est qu’un orage qui va passer, assure Marc Touati, directeur général de Global Equities. Cet économiste estime cependant qu’elle aura un impact direct sur la croissance française ainsi que sur celle de la zone euro.
A son ouverture, lundi, le CAC 40 a connu une importante baisse. Cette chute préfigure-t-elle en France la même crise que celle traversée par les Etats-Unis?
Il ne faut pas paniquer. La situation est essentiellement financière, ce qui signifie qu’elle n’est pas «casse bulle». Nous sommes loin d’être en situation de récession: tous les moteurs de la reprise (taux directeurs abaissés, dollar faible, plan de relance) sont en place aux Etats-Unis et les marchés américains ont les atouts en main pour se reprendre. En revanche, l’impact de cette crise pèsera davantage sur les économies françaises et européennes, moins bien préparées.
C’est-à-dire?
Nous sommes dans une situation qui n’est pas sans rappeler celle dans laquelle nous nous trouvions après les attentats du 11 septembre 2001: les Etats-Unis avaient réussi à redémarrer leur économie rapidement tandis que la France et l’Europe ont peiné jusqu’en 2006, année de la relance effective. Principalement à cause de trois facteurs: des taux d’intérêts trop élevés, un euro fort et une absence de plan de relance à l’échelle européenne. Des données que nous retrouvons aujourd’hui.
Or, nous n’avons pas de véritable plan de relance. Les effets d’une décision de politique monétaire s’observent 6 à 9 mois plus tard et nous n’avons rien commencé… Cette crise va donc affecter la croissance pour l’année 2008. Dans le meilleur des cas, elle sera de 1,6% en moyenne en France et de 1,7% dans la zone euro. Mais il s’agit d’un krach temporaire, le CAC 40 va remonter, dès le mois de juin sans doute.
Vous ne conseillez donc pas aux petits porteurs de vendre leurs titres?
Le placement boursier est un placement sur le long terme, il repose sur de l’argent dont on n’a pas besoin dans l’immédiat. Je conseille donc de ne pas vendre. Excepté en cas de besoin urgent d’argent, mais c’est dommage car cette vente sera synonyme de pertes. |
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