ON NE MEURT PAS
On ne meurt pas, Mourir mes amis c'est renaître,
C'est s'élancer joyeux dans un monde plus beau.
C'est sonder le destin, c'est apprendre et connaître
Les secrets que nous voile ici-bas le tombeau.
C'est corriger en nous les tares du Vieil Etre,
Pour un monde meilleur créer l'homme nouveau,
C'est voir dans l'Au-delà soudain nous apparaître
Tous nos chers disparus en un vivant tableau.
Puisque le ciel, pour nous, par eux s'est entrouvert,
Que le plus grand spectacle à notre âme est offert,
Bénissons les Esprits qui nous tendent la main.
De la voix et du geste alors qu'ils nous invitent,
A l'unisson des leurs que tous nos cœurs palpitent,
Nous conduisant à Dieu par le plus sûr chemin.
Etoile, le ler juillet 1923.
H. S.
DE LA PLURALITE
DES EXISTENCES CORPORELLES
Revue Spirite, 1858, pages 295 à 301. Le Livre des Esprits, pages 96 et suivantes.
Des diverses doctrines professées par le Spiritisme, la plus controversée est sans contredit, la pluralité des existences corporelles, autrement dit la Réincarnation. Bien que cette opinion soit maintenant partagée par un grand nombre de personnes, nous croyons devoir, en raison de son extrême gravité, l'examiner ici d'une manière plus approfondie, afin de répondre aux diverses objections qu'elle a suscitées. Avant d'entrer dans le fond de la question, quelques observations préliminaires nous paraissent indispensables.
Le dogme de la réincarnation, disent certaines personnes, n'est point nouveau il est ressuscité de Pythagore. Nous n'avons jamais dit que la doctrine spirite fut d'invention moderne le Spiritisme, étant une loi de nature, a dû exister dès l'origine des temps, et nous nous sommes toujours efforcé de prouver qu'on en retrouve les traces dans la plus haute antiquité. Pythagore, comme on le sait, n'est pas l'auteur du système de la métempsycose ; il l'a puisée chez les philosophes indiens et chez les Egyptiens où elle existait de temps immémorial. L'idée de la transmigration des âmes était donc une croyance vulgaire admise par les hommes les plus éminents.
Par quelle voie leur est-elle venue ? Est-ce par intuition ou révélation ? Nous ne le savons pas; mais, quoiqu'il en soit, une idée ne traverse par, les âges et n'est pas acceptée par les intelligences d'élite sans avoir un côté sérieux. L'antiquité de cette doctrine serait donc plutôt une preuve qu'une objection. Toutefois, comme on le sait également, il y a entre la métempsycose des anciens et la doctrine moderne de la réincarnation, cette grande différence que les Esprits rejettent de la façon la plus absolue, la transmigration de l'homme dans les animaux et réciproquement.
Vous étiez, sans doute, disent aussi quelques contradicteurs, imbu de ces idées et voilà pourquoi les Esprits ont abondé dans votre manière de voir. C'est là une erreur qui prouve, une fois de plus, les dangers des jugements précipités et sans examen. Si ces personnes se fussent données la peine, avant de juger, de lire ce que nous avons écrit sur le Spiritisme, elles se seraient épargnées la peine d'une objection faite un peu trop légèrement. Nous répéterons donc ce que nous avons dit à ce sujet, savoir que, lorsque la doctrine de la réincarnation nous a été enseignée par les Esprits, elle était si loin de notre pensée que nous nous étions fait sur les antécédents de l'âme un système tout autre, partagé, du reste, par beaucoup de personnes. La doctrine des Esprits, sous ce rapport, nous a surpris ; nous dirons plus, contrarié, parce qu'elle renversait nos propres idées ; elle était loin, comme on le voit, d'en être le reflet. Ce n'est pas tout ; nous n'avons pas cédé au premier choc ; nous avons combattu, défendu, notre opinion, élevé des objections, et ce n'est qu'à l'évidence que nous nous sommes rendu, et lorsque nous avons vu l'insuffisance de notre système pour résoudre toutes les questions que ce sujet soulève.
Aux yeux de quelques personnes, le mot évidence paraîtra sans doute singulier en pareille matière mais il ne semblera pas impropre à ceux qui sont habitués à scruter les phénomènes spirites. Pour l'observateur attentif, il y a des faits qui, bien qu'ils ne soient pas de nature absolument matérielle, n'en constituent pas moins une véritable évidence morale. Ce n'est pas ici le lieu d'expliquer ces faits ; une étude suivie et persévérante peut seule les faire comprendre ; notre but étant uniquement de réfuter l'idée que cette doctrine n'est que la traduction de notre pensée. Nous avons une autre réfutation à opposer c'est que ce n'est pas à nous seul qu'elle a été engeignée ; elle l'a été en maints endroits ; en France et à l'étranger ; en Allemagne, en Russie, en Hollande, etc., et cela avant la publication du Livre des Esprits. Ajoutons encore que, depuis que nous nous sommes livré à l'étude du Spiritisme, nous avons eu des communications de plus de cinquante médiums, écrivains, parlants, voyants, etc., plus ou moins éclairés, d'une intelligence normale plus ou moins bornée, quelques-uns même- complètement illettrés, et, par conséquent, tout à, fait étrangers aux matières philosophiques, et que, dans aucun cas, les Esprits ne se sont démentis sur cette question ; il en est de même dans tous les cercles que nous connaissons, où le même principe a été professé. Cet argument n'est point sans réplique, nous le savons, c'est pourquoi nous n'insistons pas plus que de raison.
Examinons la chose sous un autre point de vue, et abstraction faite de toute intervention des Esprits. Plaçons-nous donc, momentanément sur un terrain neutre, admettant au même degré de probabilité l'une et l'autre hypothèse, savoir : la pluralité des existences corporelles, et voyons de quel côté nous porteront la raison et notre propre intérêt.
Certaines personnes repoussent l'idée de la réincarnation par ce seul motif qu'elle ne leur convient pas, disant qu'elles ont bien assez d'une existence et qu'elles n'en voudraient pas recommencer une pareille ; nous en connaissons que la seule pensée de reparaître sur la terre fait bondir de fureur. Nous n' avons qu’une chose à leur demander, c'est si elles pensent que Dieu ait pris leur avis et consulté leur goût pour régler l'Univers. Or de deux choses l'une :
ou la réincarnation existe, ou elle n'existe pas ; si elle existe, elle a beau les contrarier, il faudra la subir, Dieu ne leur en demandera pas la permission. Il nous semble entendre un malade dire : j'ai assez souffert aujourd'hui, je ne veux plus souffrir demain. Quelle que soit sa mauvaise humeur, il ne lui faudra pas moins souffrir le lendemain et les jours suivants jusqu'à ce qu'il soit guéri ; donc, s'ils doivent revivre corporellement, ils reviendront, ils se réincarneront, ils auront beau se mutiner comme un enfant qui ne veut pas aller à l'école, ou un condamné en prison, il faudra qu'ils en passent par-là. De pareilles objections sont trop puériles pour mériter un sérieux examen. Nous leur dirons cependant, pour les rassurer, que la doctrine de la réincarnation n'est pas aussi terrible qu'ils le croient, et s'ils l'avaient étudiée à fond ils n'en seraient pas si effrayés ; ils sauraient que les conditions de cette existence nouvelle dépendent d'eux ; elle sera heureuse ou malheureuse selon ce qu'ils auront fait ici-bas, et ils peuvent dès cette vie s'élever si haut, qu'ils n'auront plus à craindre de retomber dans le bourbier. (Le Livre des Esprits, page 98). Nous supposons que nous parlons à des gens qui croient à un avenir quelconque après la mort, et non à ceux qui se donnent le néant pour perspective, ou qui veulent noyer leur âme dans un tout universel, comme les gouttes de pluie dans l'océan, ce qui revient à peu près au même, Si donc vous croyez à un avenir quelconque, vous n'admettrez pas sans doute qu'il soit le même pour tous, autrement où serait l'utilité du bien ! Pourquoi se contraindre ? Pourquoi ne pas satisfaire toutes ses passions, tous ses désirs, fut-ce même aux dépens d'autrui, puisqu'il n'en serait ni plus ni moins ? Vous croyez que cet avenir sera plus ou moins heureux ou malheureux, selon ce que nous aurons fait pendant la vie ; vous avez alors le désir d'y être aussi heureux que possible, puisque ce doit être pour l'éternité ? Auriez-vous par hasard, la prétention d'être un des hommes les plus parfaits qui aient existé sur la terre, et d'avoir ainsi, le droit d'emblée à la félicité des élus ? Non. Vous admettrez aussi qu'il y a des hommes qui valent mieux que vous et qui ont droit à une meilleure place, sans pour cela que vous soyez parmi les réprouvés. Eh ! bien ! Placez-vous un, instant par la pensée dans cette situation moyenne qui sera la vôtre, puisque vous venez d'en convenir, et supposez que quelqu'un vienne vous dire : vous souffrez, vous n'êtes pas aussi heureux que vous pourriez l'être tandis que vous avez devant vous des êtres qui jouissent d'un bonheur sans mélange ; voulez-vous changer votre position contre la leur ? Sans doute direz-vous, que faut-il faire ! - Moins que rien, recommencer ce que vous avez mal fait et tâcher de faire mieux. Hésiteriez-vous à accepter, fut-ce même au prix de plusieurs existences d'épreuves ? Prenons une comparaison plus prosaïque. Si à un homme qui sans être dans la dernière des misères, éprouve néanmoins des privations par suite de la médiocrité de ses ressources on venait dire : voilà une immense fortune, vous pouvez en jouir il faut pour cela travailler rudement pendant une minute. Fut-il le plus paresseux de la terre, il dira sans hésiter travaillons une minute, deux minutes, une heure, un jour s'il le faut, qu'est-ce que cela pour, finir ma vie dans l'abondance ! Or qu'est-ce que la durée d'une vie corporelle par rapport à l'éternité ? Moins que rien, moins qu'une minute, moins qu'une seconde.
Nous avons entendu faire ce raisonnement : Dieu qui est souverainement bon, ne peut imposer à l'homme de recommencer une série de misères et de tribulations. Trouve-t-on, par hasard, qu'il y a plus de bonté à condamner l'homme à une souffrance perpétuelle pour quelques moments d'erreur plutôt qu'à lui donner le moyen de réparer ses fautes ? Deux fabricants avaient chacun un ouvrier qui pouvait aspirer à devenir l'associé du chef. Or il arriva que ces deux ouvriers employèrent une fois très mal leur journée et méritèrent d'être renvoyés. L'un des deux fabricants chasse son ouvrier malgré ses supplications, et, celui-ci n'ayant pas trouvé d'ouvrage, mourut de misère. L'autre dit au sien : vous avez perdu un jour, vous m'en devez un en compensation ; vous avez mal fait votre ouvrage, vous m'en devez la réparation, je vous permets de le recommencer ; tâchez de bien faire et je vous conserverai, et vous pourrez toujours aspirer à la situation supérieure que je vous avais promise ». Est-il besoin de demander quel est celui des deux fabricants qui a été le plus humain ? Dieu, la clémence même, serait-il plus inexorable qu'un homme ? La pensée que notre sort est à jamais fixé par quelques heures d'épreuve, alors même qu'il n'a pas toujours dépendu de nous d'atteindre à la perfection sur la terre, a quelque chose de navrant, tandis que l'idée contraire est éminemment consolante ; elle nous laisse l'espérance. Ainsi sans nous prononcer pour ou contre la pluralité des existences, sans admettre une hypothèse plutôt que l'autre, nous disons que, si nous avions le choix, il n'est personne qui préférât un jugement sans appel. Un philosophe a dit que si Dieu n'existait pas il faudrait l'inventer pour le bonheur du genre humain ; on pourrait en dire autant de la pluralité des existences. Mais nous l'avons dit, Dieu ne nous demande pas notre permission ; il ne consulte pas notre goût, cela est ou cela n'est pas ; voyons de quel côté sont les probabilités et prenons la chose à un autre point de vue, toujours abstraction faite de l'enseignement des Esprits, et uniquement comme étude philosophique.
S'il n'y a pas de réincarnation, il n'y a qu'une existence corporelle, cela est évident ; si notre existence corporelle actuelle est la seule, l'âme de chaque homme est créée à sa naissance à moins que l’on admette l'antériorité de l'âme, auquel cas on se demanderait ce qu'était l'âme avant la naissance, et si cet état ne constituait pas une existence sous une forme quelconque. Il n'y a pas de milieu : ou l'âme existait ou elle n'existait pas avant le corps ; si elle existait, quelle était sa situation ? Avait-elle ou non conscience d'elle-même ? Si elle n'en avait pas conscience, c'est à peu près comme si elle n'existait pas ; si elle avait son individualité, elle était progressive ou stationnaire. Dans l'un ou l'autre cas et à quel degré est-elle arrivée dans le corps ? En admettant, selon la croyance vulgaire, que l'âme prend naissance avec le corps, ou ce qui revient au même, qu'antérieurement à son incarnation elle n'a que des facultés négatives nous posons les questions suivantes :
Le Livre des Esprits, page 101.
10 Pourquoi l'âme montre-t-elle des aptitudes si diverses et indépendantes des idées acquises par l'éducation ?
20 D'où vient l'aptitude extra-normale de certains enfants en bas âge pour tel art ou pour telle science, tandis que d'autres restent inférieurs ou médiocres toute leur vie ?
30 D'où vient chez les uns, les idées innées qui n'existent pas chez les autres ?
40 D'où viennent, chez certains enfants, ces instincts précoces de vices ou de vertus, ces sentiments innés de dignité ou de bassesse qui contrastent avec le milieu où ils sont nés ?
50 Pourquoi certains hommes, abstraction faite de l'éducation, sont-ils plus avancés les uns que les autres ?
60Pourquoi y a-t-il des sauvages et des hommes civilisés ? Si vous prenez un enfant hottentot à la mamelle et si vous l'élevez dans nos lycées les plus renommés, en ferez-vous jamais un Laplace ou un Newton ?
Nous demandons quelle est la philosophie ou la théosophie qui peut résoudre ces problèmes ? Ou les âmes sont égales à leur naissance, ou elles sont inégales, cela n'est pas douteux. Si elles sont égales, pourquoi ces aptitudes si diverses ? Dira-t-on que cela dépend de l'organisme ? Mais alors c'est la Doctrine la plus monstrueuse et la plus immorale. L'homme n'est plus qu'une machine, le jouet de la matière ; il n'a plus la responsabilité de ses actes ; il peut tout rejeter sur ses imperfections physiques. Si elles sont inégales, c'est Dieu qui les a créées ainsi ; mais alors pourquoi cette supériorité innée accordée à quelques-unes ? Cette partialité est-elle conforme à la justice de Dieu et à l'égal amour qu'il porte à toutes ses Créatures? Admettons au contraire une succession d'existences antérieures progressives et tout s'explique. Les hommes apportant en naissant l'intuition de ce qu'ils ont acquis ; ils sont plus ou moins avancés, selon le nombre d'existences qu'ils ont parcourues ; selon qu'ils sont plus ou moins éloignés du point de départ ; absolument comme dans une réunion d'individus de tous âges, chacun aura un développement proportionné au nombre des années qu'il aura vécu ; les existences successives seront pour la vie de l'âme, ce que les années sont pour la vie du corps. Rassemblez un jour mille individus, depuis un an jusqu'à quatre-vingt ; supposez qu'un voile soit jeté sur tous les jours qui ont précédé, et que, dans votre ignorance, vous les croyez tous nés le même jour : vous vous demanderez naturellement comment il se fait que les uns soient grands, les autres petits, les uns vieux, les autres jeunes, les uns instruits et les autres ignorants ; mais si le nuage qui vous cache le passé vient à se lever, si vous apprenez qu'ils ont tous vécu plus ou moins longtemps, tout s'explique. Dieu, dans sa justice n'a pas pu créer des âmes plus ou moins parfaites ; mais avec la pluralité des existences, l'inégalité que nous voyons n'a plus rien de contraire à l'équité la plus rigoureuse : c'est que nous ne voyons que le présent et non le passé. Ce raisonnement repose-t-il sur un système, une supposition gratuite ? Non, nous partons d'un fait patent incontestable : l'inégalité des aptitudes et du développement intellectuel et moral, et nous trouvons ce fait inexplicable par toutes les théories en cours, tandis que l'explication en est simple, naturelle, logique, par une autre théorie. Est-il rationnel de préférer celle qui n'explique pas à celle qui explique ?
A l'égard de la sixième question on dira sans doute que le Hottentot est une race inférieure ; alors nous demanderons si le Hottentot est un homme ou non. Si c'est un homme, pourquoi Dieu l'a-t-il, lui et sa race, déshérité des privilèges accordés à la race caucasique ? Si ce n'est pas un homme, pourquoi chercher à en faire un chrétien ? La Doctrine spirite est plus large que tout cela : pour elle il n'y a pas plusieurs espèces d'hommes, il n'y a que des hommes dont l'Esprit est plus ou moins arriéré, mais susceptible de progresser ; cela n'est-il pas plus conforme à la justice de Dieu ?
Nous venons de voir l'âme dans son passé, dans son présent ; si nous la considérons dans son avenir, nous trouvons les mêmes difficultés ;
10 Si notre existence actuelle doit seule décider de notre avenir, quelle est, dans la vie future, la position respective du sauvage et de l'homme civilisé ? Sont-ils au même niveau, ou sont-ils distancés dans la somme du bonheur éternel ?
20 L'homme qui a travaillé toute sa vie à s'améliorer est-il au même rang que celui qui est resté inférieur, non par sa faute, mais parce qu'il n'a eu ni le temps, ni la possibilité de s'améliorer ?
30 L'homme qui fait le mal parce qu'il n'a pu s'éclairer, est-il passible d'un état de choses qui n'a pas dépendu de lui ?
40 On travaille à éclairer les hommes, à les civiliser, mais pour un qu'on éclaire il y en a des milliers qui meurent chaque jour avant que la lumière soit parvenue jusqu'à eux ; quel est le sort de ceux-ci ? Sont-ils traités comme des réprouvés ? Dans le cas contraire, qu'ont-ils fait pour mériter d'être sur le même rang que les autres ?
50Quel est le sort, des enfants qui meurent en bas âge, avant d'avoir pu faire ni bien ni mal ? Sont-ils parmi les élus, pourquoi cette faveur sans avoir rien fait pour la mériter ? Par quel privilège sont-ils affranchis des tribulations de la vie ?
Y a-t-il une doctrine qui puisse résoudre ces questions ? Admettez des existences successives et tout s'explique conformément à la justice de Dieu. Ce que l'on n'a pu faire dans une existence on le fait dans une autre ; c'est ainsi que personne n'échappe à la loi du progrès que chacun est récompensé selon son mérite réel, que nul n'est exclu de la félicité suprême à laquelle il peut prétendre quels que soient les obstacles qu'il a rencontrés sur sa route.
Ces questions pourraient être multipliées à l'infini, car les problèmes psychologiques et moraux, qui ne trouvent leur solution que dans la pluralité des existences, sont innombrables ; nous nous sommes bornés aux plus généraux. Quoiqu'il en soit, dira-t-on peut-être, la doctrine de la réincarnation n'est point admise par l'Eglise ; ce serait donc le renversement de la religion. Notre but n'est pas de traiter cette question en ce moment, il nous suffit d'avoir démontré qu'elle est éminemment morale et rationnelle !
Livre des Esprits, pages 165 à 107.
Or ce qui est moral et rationnel ne peut être contraire à une religion qui proclame Dieu, la bonté et la raison par excellence. Que serait-il advenu de la religion si, contre l'opinion universelle et le témoignage de la science, elle se fût roidi contre l'évidence et eût rejeté de son sein quiconque n'eût pas cru au mouvement du soleil et aux six jours de la création ? Quelle créance eût mérité, et quelle autorité aurait eue chez les peuples éclairés une religion fondée sur des erreurs manifestes données comme article de foi ? Quand l'évidence a été démontrée, l'Eglise s'est sagement rangée du côté de l'évidence. S'il est prouvé que des choses qui existent sont impossibles sans la réincarnation, si certains points du dogme ne peuvent être expliqués que par ce moyen, il faudra bien l'admettre, et reconnaître que l'antagonisme de cette doctrine et de ces dogmes n'est qu'apparente. Plus tard nous montrerons que la religion en est peut-être moins éloignée qu'on ne le pense et qu'elle n'en souffrirait pas plus qu'elle n'a souffert du mouvement de la terre et des périodes géologiques qui, au premier abord, ont paru donner un démenti aux textes sacrés. Le principe de la réincarnation ressort d'ailleurs de plusieurs passages des Ecritures et se trouve notamment formulé d'une manière explicite dans l'Evangile.
« Lorsqu'ils descendaient de la montagne (après la transfiguration), Jésus fit ce commandement et leur dit : Ne parlez à personne de ce que vous venez de voir, jusqu'à ce que le fils de l'homme soit ressuscité d’entre les morts. Ses disciples l'interrogèrent alors, et lui dirent : Pourquoi donc les Scribes disent-ils qu'il faut qu'Elie vienne auparavant ? Mais Jésus leur répondit : Il est vrai qu'Elie doit venir et qu'il rétablira toutes choses. Mais je vous déclare qu'Elie est déjà venu, et ils ne l'ont point connu, mais l'ont fait souffrir comme ils ont voulu. C'est ainsi qu'ils feront mourir le fils de l'homme. Alors ses disciples comprirent que c'était de Jean-Baptiste qu'il leur avait parlé. » Saint Matthieu, chap. XVII.
Puisque Jean-Baptiste était Elie, il y a donc eu réincarnation de l'Esprit ou de l'âme d'Elie dans le corps de Jean-Baptiste.
Quelle que soit, du reste, l'opinion que l'on se fasse sur la réincarnation, qu'on l'accepte ou qu'on ne l'accepte pas, il n'en faudra pas moins la subir, si elle existe nonobstant, toute croyance contraire ; le point essentiel, c'est que l'enseignement des Esprits est éminemment chrétien ; il s'appuie sur l'immortalité de l'âme, les peines et récompenses futures, la justice de Dieu, le libre arbitre de l'homme, la morale du Christ ; donc il n'est pas antireligieux.
Nous avons raisonné, comme nous l'avons dit, abstraction faite de tout enseignement spirite qui, pour certaines personnes, n'est pas une autorité. Si nous, et tant d'autres personnes, avons adopté l'opinion de la pluralité des existences, ce n'est pas seulement parce qu'elle nous vient des Esprits, c'est parce qu'elle nous a paru la plus logique, et qu'elle seule, résout des questions jusqu'alors insolubles. Elle nous serait venue d'un simple mortel que nous l'aurions adoptée de même ; et que nous n'aurions pas hésité davantage à renoncer à nos propres idées ; du moment qu' une erreur est démontrée, l'amour-propre a plus à perdre qu'à gagner à s'entêter dans une idée fausse. De même nous l'aurions repoussée, quoique venant des Esprits, si elle nous eût semblé contraire à la raison, comme nous en avons repoussé bien d'autres ; car nous savons par expérience qu'il ne faut pas accepter en aveugle tout ce qui vient de leur part, pas plus que ce qui vient de la part des hommes. Son premier titre à nos yeux est donc ayant tout d'être logique ; elle en a un autre, c'est d'être confirmée par les faits ; faits positifs et pour ainsi dire matériels, qu'une étude attentive et raisonnée peut révéler à qui se donne la peine d'observer avec patience et persévérance, et en présence desquels le doute n'est plus permis. Quand ces faits seront popularisés comme ceux de la formation et du mouvement de la terre, il faudra bien se rendre à l'évidence, et les opposants en auront été pour leurs frais de contradiction.
Reconnaissons donc, en résumé, que la doctrine de la pluralité des existences explique seule ce qui, sans elle, est inexplicable ; qu'elle est éminemment consolante et conforme à la justice la plus rigoureuse, et qu'elle est pour l'homme l'ancre de salut que Dieu lui a donnée dans sa miséricorde.
Les paroles mêmes de Jésus ne peuvent laisser de doute sous ce rapport. Voici ce qu'on lit dans l'Evangile selon Saint Jean, chapitre III.
3. Jésus répondant, à Nicomède, dit : En vérité, en vérité je te le dis, que si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu.
4. Nicomède lui dit : Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le ventre de sa mère, et, naître une seconde fois ?
5. Jésus répondit : En vérité, en vérité je te dis que si un homme ne naît d'eau et d'esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair et ce qui est né de l'esprit est esprit. Ne t'étonne point de ce que t'ai dit : il faut que vous naissiez de nouveau.
LA RESURRECTION DE LA CHAIR
« Livre des Esprits, page 440 »
Le dogme de la résurrection de la chair est-il la consécration de celui de la réincarnation enseignée par les Esprits ?
Comment voulez-vous qu'il en soit autrement ? Il en est de ces paroles comme de tant d'autres qui ne paraissent déraisonnables aux yeux de certaines personnes que parce qu'on les prend à la lettre, c'est pourquoi elles conduisent à l'incrédulité ; donnez-leur une interprétation logique, et ceux que vous appelez les libres-penseurs les admettront sans difficulté, précisément parce qu'ils réfléchissent ; car, ne vous y trompez pas, ces libres-penseurs ne demandent pas mieux que de croire ; ils ont comme les autres, plus que d'autres peut-être, soif de l'avenir, mais ils ne peuvent admettre ce qui est controuvé par la science. La doctrine de la pluralité des existences est conforme à la justice de Dieu ; elle seule peut expliquer ce qui sans elle est inexplicable ; comment voudriez-vous que le principe n'en fût pas dans la religion elle-même ?
Ainsi l'Eglise, par le dogme de la résurrection de la chair, enseigne elle-même la doctrine de la réincarnation.
Cela est évident ; cette doctrine est d'ailleurs la conséquence de bien des choses qui ont passé inaperçues et que l'on ne tardera pas à comprendre dans ce sens ; avant peu on reconnaîtra que le spiritisme ressort à chaque pas du texte même des Ecritures sacrées. Les Esprits ne viennent donc pas renverser la religion, comme quelques-uns le prétendent; ils viennent au contraire la confirmer, la sanctionner par des preuves irrécusables ; mais comme le temps est venu de ne plus employer le langage figuré, ils s'expriment sans allégorie, donnent aux choses un sens clair et précis qui ne puisse être sujet à aucune fausse interprétation. Voilà pourquoi, dans quelques temps, vous aurez plus de gens sincèrement religieux et croyants que vous n'en avez aujourd'hui.
La science, en effet, démontre l'impossibilité de la résurrection selon l'idée vulgaire. Si les débris du corps humain restaient homogènes, fussent-ils dispersés et réduits en poussière, on concevrait encore leur réunion à un temps donné ; mais les choses ne se passent point ainsi. Le corps est formé d'éléments divers : oxygène, hydrogène, azote etc.... par leur décomposition, ces éléments se dispersent, mais pour servir à la formation de nouveaux corps; de telle sorte que la même molécule de carbone, par exemple sera entrée dans la composition de plusieurs milliers de corps différents (nous ne parlons que des corps humains sans compter ceux des animaux) ; que tel individu a peut-être dans son corps des molécules ayant appartenu aux hommes des premiers âges ; que ces mêmes molécules organiques que vous absorbez dans votre nourriture proviennent peut-être du corps de tel autre individu que vous avez connu, et ainsi de suite. La matière étant une quantité définie et ses transformations en quantité indéfinie, comment chacun de ces corps pourrait-il se reconstituer des mêmes éléments ? Il y a là une impossibilité matérielle. On ne peut donc rationnellement admettre la résurrection de la chair que comme une figure symbolisant le phénomène de la réincarnation, et alors rien ne choque plus la raison, rien qui soit en contradiction avec les données de la science.
Il est vrai que, selon le dogme, cette résurrection ne doit avoir lieu qu'à la fin des temps, tandis que selon la doctrine spirite, elle a lieu tous les jours mais n'y a-t-il pas encore dans ce tableau du jugement dernier une grande et belle figure qui cache sous le voile de l’allégorie, une de ces vérités immuables qui ne trouvera plus de sceptique quand elle sera ramenée à sa véritable signification ? Qu'on veuille bien méditer la théorie spirite sur l'avenir des âmes et sur leur sort à la suite des différentes épreuves qu'elles doivent subir, et l'on verra, qu'à l'exception de la simultanéité le jugement qui les condamne ou qui les absout n'est point une fiction, ainsi que le pensent les incrédules. Remarquons encore qu'elle est la conséquence naturelle de la pluralité des mondes, aujourd'hui parfaitement admise, tandis que selon la doctrine du jugement dernier, la terre est sensée le seul monde habité.
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