« Le défaut de l’Intellect Particulier est son hallucination et son doute » (Mathnavi, Edition Elmi, page 232).
L’Intellect Universel est une faculté d’un autre ordre. Quand le « cœur » a été purifié de l’impureté de la pluralité, il est apte à observer la vérité telle qu’elle est. Dans ce cas, le mystique est appelé « Homme Parfait » : il dispose d’une clairvoyance et d’une intuition purgées de tout egoisme ou égocentrisme, qui pourraient être désignées comme « conscience de cœur » (del-a-galu). Aussi le possesseur de cette conscience est-il parfois appelé « Intellect de l’Univers ». Roumi a dit à ce sujet :
« L’Intellect de l’Univers et l’ame de l’Univers s’appellent Homme de Dieu.
N’imagine pas que le Trône divin soit séparé de la loi ! Sa pure essence est le lieu de manifestation de Dieu.
C’est donc auprès de lui qu’il faut chercher Dieu et non auprès des autres » (Mathnavi, Edition Elmi, page 440).
En cet état, l’Homme Parfait, ayant nié, à l’aide de l’Intellect Universel, tout ce qui est « autre-que-Dieu » peut affirmer Dieu à l’abri de l’Amour… »
Intellect et Amour
« C’est l’Intellect Particulier qui a diffamé l’Intellect
« C’est l’Intellect mondain (l’Intellect Particulier) qui a diffamé l’homme » (Mathnavi, Edition Elmi, page 440).
Par « intellect », cité à la fin du premier vers, Roumi entend l’Intellect Universel. Quant à l’Amour au sens soufi, il ne s’agit rien d’autre que de la Eradat parfaite et forte. L’Amour est la force motrice du cœur et de son ardent désir, et c’est dans son sillage que le cœur devient pur.
Ainsi que nous l’avons dit, l’Intellect Particulier s’appuis sur le monde sensible et les expériences de la vie, tandis que l’Amour est un don divin qui ne s’enseigne point mais qui est à vivre. C’est pourquoi « les gens de l’Intellect particulier », savants de la loi litteraliste, ont toujours renié les gens de l’Amour et ont pensé que ces derniers étaient dans l’erreur. Roumi a dit à ce sujet :
« L’Intellect Particulier renie l’Amour bien qu’il fasse semblant de connaître les secrets ». (Mathnavi, Edition Elmi, page 52).
Le phénomène de transfert
Selon les psychanalystes, le premier élément du traitement est l’établissement d’un lien affectif entre le malade et le médecin. Cet attachement, ce lien est dénommé par Freud « phénomène de transfert ». C’est par le transfert que le malade déverse sur le médecin l’ensemble de ses relations passées. Pour Freud, il y a projection sur l’analyste de la totalité des phénomènes et processus psychologique du malade, dérivés d’autres relations antérieures avec le monde. (voir Racker Heinrichs : Transference and Countertransference, The Hogardth Press and the Institute of Psychoanalysis, London, 1996, page 13). Une relation de confiance entre médecin et malade est créée par ce phénomène grâce auquel le patient s’en remet au psychanalyste. La racine de la soumission et de l’espoir du malade remontent aux souvenirs inconscients qu’il conserve de son attitude infantile envers ses propres parents et qu’il revit dans cette expérience actuelle. Le médecin attire à lui momentanément des affects destinés à un objet qu’il réincarne. Il s’agira pour le médecin d’amener ce mécanisme psychique profond à la zone claire de la conscience de son patient.
Le lien interpsychique entre médecin et malade est nécessaire au succès de l’action psychothérapique. Si le transfert est positif, on constate d’après Freud qu’il modifie la situation analytique chez le malade ; l’inclination vers la solution des conflits, qui devrait uniquement occuper son esprit, est supplantée par le désir de complaire au médecin. C’est alors que tout fait ayant une relation avec ce dernier devient plus important que son intention primitive d’effacer la souffrance et de recouvrer la santé : il est distrait de sa maladie. (Freud : Introductory lectures on Psycho-analysis translation Joan Riviere, George Allen and Unvin, London, page 367).
Phénomène de transfert et Eradat
De ce qui précède, on peut conclure ceci :
Le phénomène de transfert est l’établissement d’un lien de confiance entre le médecin et le malade en vue de la guérison de ce dernier et sa promotion au degré d’homme sain ; tandis que l’Eradat est l’établissement d’une relation spirituelle…
Le phénomène de transfert s’opère à la suite d’une sorte de relation d’intimité avec le partenaire (en l’occurrence le psychanalyste) ayant pour objectif direct d’amener à la conscience claire l’histoire du malade, tandis que l’Eradat est une sorte de lien affectif (amour) pour le morad, qui est un point d’appui pour l’éradication de l’egoisme (amour pour soi) et la délivrance spirituelle.
Dans le phénomène de transfert, c’est le malade qui choisit le partenaire susceptible de dénouer ses difficultés psychiques. Quoique le médecin conserve son indépendance, il a l’obligation de se pencher sur son malade qui se pose d’emblée en objet d’intérêt, tandis que l’Eradat le morid se fait partenaire capable d’écouter pour assimiler les règles traditionnelles du cheminement mystique.
Le transfert est un phénomène psychique relatif et temporel, tandis que l’Eradat est un fait spirituel, réel et éternel.
Egoisme et Eradat
C’est par cette opération qu’il se délivre de l’egoisme et du narcissisme. Ne peuvent bénéficier de l’Eradat ceux qui sont enchaînés dans l’egoisme et le narcissisme…
En ce qui concerne le transfert, Freud est arrivé à la même conclusion en disant : l’expérience montre que des personnes souffrant d’une névrose narcissique n’ont aucune aptitude « au transfert » ou en ont seulement des traces insuffisantes. Ils se détournent du médecin non par hostilité mais par indifférence. (Freud : Introductory lectures on Psychoanalysis, page 374).
Science acquise et science présentielle du « cœur »
La « Science est une lumière que Dieu allume dans le cœur de celui qu’Il veut » (Kashkul-e Sheikh-e Bahai entesharat-e tab’-e mashr-e Qom, page 493)…
« Le carnet du soufi n’est pas encre et lettres,
Ce n’est que le cœur blanc comme neige ;
Le savant n’a que les effets du calame,
Le soufi n’a que les lumières divines »
(Mathnavi, Ed. Elmi, page 108).
L’affiliation en Eradat…Rappelons à ce propos que les psychanalystes de notre temps affirment que celui qui n’a pas été analysé ne peut devenir psychanalyste…
Il sera incapable de conduire ses disciples à la complétude et même, il les appauvrira spirituellement.
La tariqat dans le soufisme
Le soufisme exige de celui qui se sent appelé à suivre sa voie une discipline, une ascèse, qui l’amènent à une complète réorganisation intérieure. Il s’agit, en vérité, d’une véritable « naissance » spirituelle. Tout ce que comporte cette rénovation de l’individu (la Voie elle-même, le travail qui s’effectue en profondeur, les techniques qu’il implique et ses différentes étapes) s’appelle Tariqat.
Le terme de Tariqat désigne donc un tout, et ses divers sens sont entendus par le soufi comme les différents aspects d’une même notion. Ce n’est donc que par un artifice, par un effort d’analyse et d’abstraction que l’on peut séparer les multiples facettes de la Tariqat. Dans l’expérience vécue, ces facettes ne sont pas distinguées les unes des autres.
Les conditions de base
Nous avons vu dans un articles précédent (cf. Qu’est-ce que le soufisme) que le « Talab » est indispensable. Cette nécessité de « l’aspiration » écarte d’emblées la simple curiosité, ou des motivations insuffisantes. Or, trop souvent, des personnes se méprennent sur leurs propres sentiments. Non seulement l’aspirant doit savoir que le soufisme n’est pas une philosophie ou une technique de culture psychique en vue de mieux réussir dans la vie, (ce serait aller à l’encontre du vrai soufisme !) mais les raisons qui poussent à suivre la voie doivent être « pures ». Il ne peut en être autrement puisque le soufisme est d’abord renoncement : renoncement aux biens de la vie future, pour l’amour de Dieu, par amour pour Dieu, en l’amour de Dieu.
La première des conditions est donc la Foi, le désir de se fondre en Dieu, ou du moins l’ardente inclination vers Dieu rendant tous les sacrifices légers.
En liaison avec cette donnée primordiale, la Volonté est la seconde qualité indispensable chez le disciple. Car c’est par la Volonté qu’il doit se libérer des ses passions, de ces conflits psychiques, qu’il doit se dépouiller du « vieil homme », exterminer ses tendances diaboliques. Dans cette lutte le pèlerin ne fait que respecter le verset coranique 53/39 et 40 :
« L’homme ne possèdera que ce qu’il aura acquis par ses efforts. Son effort sera reconnu et il sera ensuite pleinement récompensé ».
Le but vers lequel tend le pèlerin, c’est à dire l’acquisition des qualités divines, ne s’obtient que par l’Attrait Divin et la tension de la volonté individuelle, du moins au début de la Tariqat. Dans les étapes supérieures, quand le soufi s’est revêtu des attributs divins, il s’aperçoit alors qu’il n’y a plus participation de sa propre volonté.
Les traditions et le qotb
Nous avons dit ailleurs que la présence d’un Qotb, d’un maître est absolument indispensable au disciple. Dans la Tariqat le rôle du Qotb est multiple, et, sauf cas exceptionnel, nul ne peut s’en passer. On est autorisé, grosse mode, à distinguer quatre fonctions importantes du Qotb, données par Dieu :
Le Maître est un guide qui montre et explique la Voie. Aucun texte, aussi complet soit-il, ne saurait suppléer un Maître vivant qui adapte l’enseignement au disciple.
Le Maître contrôle le comportement du disciple, aide ce dernier à liquider ses complexes, ses conflits…
Le Maître infuse à son disciple l’énergie dont il a besoin pour surmonter les obstacles, et lui prodigue les conseils nécessaires.
Enfin le Maître est indispensable intermédiaire entre Dieu et le disciple pendant une bonne partie de la Tariqat. Son rôle s’exerce tant sur le plan psychologique que sur le plan spirituel.
La Tariqat recèle, par conséquent, un aspect humain singulier qui est la relation du disciple avec son maître. Il faut que l’Aspirant ait la confiance en son Qotb, basée sur la conviction que si Dieu veut son maître le guidera vers le but final et la perfection désirée. A son tour, le Qotb doit voir en son disciple un être désireux d’atteindre ce but, un « amoureux » plein de dévotion et digne d’être guidé. A la suite de cette entente réciproque entre le maître et son disciple, celui-ci est placé dans la position du « repentir » : tout ce qu’il a commis auparavant sera négligé, à condition que désormais il cessera de penser à des passions et à des actes prohibés. Dans le monde du soufi, l’entrée dans le cercle du tasawwuf est considérée comme une seconde naissance. Un Hadith Nabavi apporte en témoignage cette parole de Jesus : « N’arrive pas à l’apogée de la Création celui qui n’est pas né deux fois ». Pour les Soufis tout Aspirant doit donc subir deux naissances. La seconde, plus difficile, est le transfert du monde matériel et sensible à celui de l’Amour, de l’affection, de la dévotion…Grâce à Dieu, après avoir fait acte de repentir, le disciple se voit attribuer l’honneur de la part de son Maître, de pénétrer dans le domaine glorieux de l’apprentissage du tasawwuf. C’est alors que le programme de la Tariqat lui est révèlé…
…toute la vie extérieure et intérieure du disciple doit être réglée par l’Islam…
Comme on le voit, la Tariqat comporte l’observation d’un certain nombre de Traditions qui se centrent sur l’Islam et reposent sur la parole divine, dont l’énonciation est le Coran.
Les etapes de la Tariqat
L’ascension spirituelle, comme tout ce qui relève d’un domaine immatériel est malaisé à décrire, d’autant plus que ses modalités varient suivant les individus…
La première étape de l’ascension consiste à se débarrasser des mauvaises qualités. Nous l’avons déjà dit, c’est à ce stade ou l’on s’attache surtout à liquider les conflits psychiques, les complexes et les tendances passionnelles des disciples. Dans cette étape, qui comporte un aspect psychothérapique, un problème qui attire l’attention des Qotbs et qui intéresse également de nos jours les psychanalystes (mais le point de vue de ces derniers est différent puisque l’élément spirituel est absent de leurs préoccupations), est celui des rêves. Le Maître utilise l’analyse des rêves et des paroles, etc. pour « guérir » ses disciples. Comme en psychanalyse, personne d’autre n’en a connaissance.
Ainsi donc la Tariqat implique un programme de psychothérapie qui varie selon le disciple. J’insiste sur un point : la psychanalyse telle qu’elle est conçue de nos jours ne saurait être comparée avec l’action d’un vrai Qotb qui est considérablement plus vaste et pénètre dans des domaines inconnus des psychanalystes. La comparaison ne pourrait être valablement faite que dans les limites communes aux deux techniques.
Parallèlement à une surveillance étroite du psychisme, le Soufi est soumis à une surveillance de son état physiologique. La nourriture que le salek absorbe doit convenir à ses besoins réels et au but qui lui est proposé…Il convient alors d’anéantir ces impulsions pour rendre au salek son équilibre psychosomatique. Corrélativement une action spirituelle est entreprise pour le remettre en état de continuer son chemin vers la transcendance soufie. Mais en temps normal le soufi considère qu’il lui est nécessaire de recourir à une nourriture parfaitement équilibrée pour fournir à son corps l’énergie dont il a besoin. Tout dépend donc de l’utilisation de cette énergie. Suivant le mot de Mawlavi ce que le vrai soufi mange « se transforme en lumière », alors que chez la plupart des humains l’énergie alimentaire ne sert qu’a soutenir les passions et à exciter les instincts sans aucun contrôle.
L’excès, la systématisation sont préjudiciables. Certains philosophes croient que l’ascétisme crée la force nécessaire à la purification de l’individu. Il est vrai que les macérations mènent l’homme à un état d’esprit ou il trouve plus de facilité à la connaissance des choses. Nous utilisons ce pouvoir à bon escient, mais nous pensons qu’il faut éviter une attitude anti-naturelle. Le remède appliqué, il faut revenir à la normale, sinon on obtient l’effet contraire à celui qu’on attend : Le « temporel » redeviendrait une préoccupation encombrant la conscience alors qu’il faut se libérer de ce genre de souci matériel.
Un des résultats de l’attention constante à la divinité est, en premier lieu, la création chez le disciple d’une noble réflexion. Le disciple qui avait auparavant des pensées douteuses ou disséminées, arrive à une concentration remarquable sur un seul point qui est Dieu. Le disciple n’épuise plus son énergie en la dispersant sur des sujets variés. Tout au contraire, il puise des forces dans la réflexion sur le canal de la divinité et se voit ainsi doté d’équilibre, de calme et de sécurité.
Au troisième stade le disciple efface son Moi personnel jusqu’au point de ne plus en trouver trace en lui-même…
Il est un autre point qui préoccupe parfois les esprits curieux : quelle est la part de l’effort volontaire du salek dans son ascension mystique ? Il est certain que pendant le parcours d’une bonne partie de la Voie, la volonté joue un rôle important, car l’individu est normalement dans un état de guerre intérieure contre ses passions et ses instincts dont il doit se délivrer. Ceci est en pleine conformité avec le Coran. Il y a donc à la base une doctrine de la volonté individuelle, volonté liée à l’Attrait Divin…
A ce stade le soufi n’est plus que l’instrument docile de la Volonté de Dieu. C’est la pure volonté divine qui agit.
A cette étape le soufi n’a plus d’existence propre, sa personnalité est totalement occupée par le Bien-Aimé.
Le soufi à ce stade est mort à lui-même pour se trouver dans la contemplation totale de la divinité…Le disciple est proprement noyé dans la mer profonde des actes divins. Sous son aspect intérieur fana consiste en la constante contemplation des qualités divines. La destruction personnelle étant complète, il y a annihilation en profondeur de la conscience psychique personnelle…
Le phénomène de transfert et son effet sur la vie spirituelle
Il ne fait aucun doute que le phénomène de transfert qui intervient en partie dans la relation entre maître et disciple était connu des maîtres complets du soufisme avant que Freud n’en fasse lui-même la découverte et ne la divulgue sur le plan scientifique. Mais la ligne de démarcation entre Eradat et transfert est un peu plus délicate à discerner. Seuls, les maîtres complets sont capables d’opérer cette distinction, de saisir les nuances de ces phénomènes complexes et de les utiliser à bon escient. Mais l’on est obligé de reconnaître que le nombre de ces maîtres, à chaque époque, a été très restreint. Il faut convenir aussi que, souvent, des maîtres incomplets et leurs disciples ont fait des confusions regrettables, faute de pouvoir séparer les domaines de ces deux phénomènes.
Sans se rendre compte des racines des mécanismes psychiques profonds, ces maîtres incomplets ont abusé de leur pouvoir pour en tirer profit : de la les divergences entre certains groupes se donnant le nom de Soufis. Comme dit Roumi (Mathnavi, Ed. Elmi, page 7) :
« Tout le monde est dans l’erreur à cause de ceci :
Peu d’hommes ont connu les amis de Dieu ».
Les « malades de l’ame », du nom de « morid », ont été parfois en relation avec des morads(s) incomplets à travers le phénomène de transfert. Ceux-ci les ont attirés vers eux, oublieux de leurs responsabilités et inconscients de leurs véritables motivations. Peut-être ces maîtres incomplets ont-ils cru être des « amis de Dieu » parce que leurs disciples leur ont attribué des miracles et des intuitions divines qui n’étaient, en réalité, que des effets de transfert. Ils pouvaient donc se sentir, en toute sincérité, confirmés dans leurs prétentions. C’est ainsi que le cercle vicieux de leur relation, psychologique erronée subsistait indéfiniment. Pour Roumi : (Mathnavi, Ed. Elmi, page 368) :
« En vérité, ces corbeaux imitaient la voix des faucons ! »
Le résultat de cette sorte de relation était que ces maîtres demeuraient incapables de « forger » des fils spirituels pour en faire des Maîtres véritables : ils avaient seulement accordé leur succession à des « fils naturels ».
Généralement les vrais maîtres n’ont accepté comme disciples que ceux qu’ils avaient vue à l’abri des perturbations de l’ame impérative, et capables de se libérer de leurs tendances égocentriques. Cependant quelques rares maîtres parfaits n’ont pas hésité à admettre auprès d’eux de vrais morids(s) qu’ils ont formés non seulement dans le domaine de la psychologie abyssale, pour les délivrer de l’ame impérative, mais également dans celui de la sphère spirituelle pour les conduire à la complétude…
Le poète Reza Quoli-e Hedayat disait à ce sujet : « les petites rivières se plaignent des pierres, tandis que les océans les avalent sans les voir ! »
C’est en vue de cette expérience pédagogique que les grands maîtres du passé étaient obligés de créer, dans leurs ordres, une classe préparatoire ayant pour but le traitement des maladies de l’ « ame impérative ». Le maître parfait ou « médecin divin », avant d’admettre les disciples dans le cercle soufi, guérissait ces malades de l’ame au moyen du phénomène de transfert. Une fois guéris, ceux-ci retournaient à leurs occupations normales ou bien, si par volonté divine l’Eradat venait à atteindre sa pleine réalisation…
Il n’y a pas de similitudes authentiques et profondes entre le tasawwuf et la psychanalyse, mais seulement quelques points de coïncidence tangentielle intéressants.
La psychanalyse se propose de ramener à la santé psychosomatique l’homme malade, alors que le but du soufisme est de rendre parfait l’homme sain. La relation entre le psychanalyste et le malade qu’on appelle phénomène de transfert est un processus psychique du monde contingent, accidentel et temporel, tandis que dans le soufisme cette relation est enveloppée par l’Eradat qui est une donnée spirituelle du monde de la réalité et de l’éternité.
A cause du phénomène de transfert, qui joue un rôle certain au début de l’initiation soufie, des guides incomplets ont eu la prétention d’être des maîtres parfaits, attirant ainsi des hommes sans expérience dans leur sillage. Leurs erreurs ne mettent que mieux en lumière l’admirable parti qu’ont su tirer les maîtres parfaits d’une technique psychanalytique pratiquée par les soufis avant sa découverte en Occident.
* A ces responsabilités de chef d’une importante tariqat soufie, le Dr. Nurbakhsh joint la compétence de chef de clinique neuro-psychiatrique. |
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