Vie pratique - Autres
Tchernobyl - Chronique d’une reconstitution annoncée…

Extrait d'un livre à paraître "Coupables d'être victimes" de Jean-Michel Jacquemin-Raffestin

Dans le cadre de nos dossiers de formation professionnelle continue de la magistrature française, suite à la publication du dossier Tchernobyl, Cancers et tentative d’assassinat d’un journaliste trop gênant… nous publions ci-dessous une observation très détaillée d'une reconstitution criminelle particulièrement remarquable, qui démontre à quel point le système judiciaire français a désormais franchi tous les seuils d'alerte en termes d'incompétences et de mahonnêteté. Lorsque l'on sait que cette reconstitution est en même temps censée servir de modèle pédagogique à des stagiaires futurs magistrats, l'on ne peut être que lourdement inquiet quant à l'avenir. CC

La lecture du récit initial de la tentative d'assassinat subie par Jean-Michel Jacquemin et Fabien Baron est indispensable pour comprendre le présent récit.


Après notre dernière confrontation avec le mis en examen et la remarque de son conseil indiquant qu’il n’y avait que peu de sang dans notre chambre, confirmée par le rapport du Maréchal des Logis, le juge Jean-Wilfrid Noël nous informe qu’il décide d’une reconstitution qui aura lieu le 19 mai. A quelques jours près, on aurait pu faire un gâteau avec trois bougies.

Entre temps, mon directeur littéraire passe mon manuscrit à Maître Pierre Lumbroso, l’avocat qui a écrit le livre « Légitimité des Juges d’instruction », qui, effaré par ce qu’il apprend, nous propose d’intervenir dans le dossier. Il nous demande donc d’avertir le juge de son arrivée dans le dossier, ce que nous faisons par lettre recommandée.

Arrivé de bonne heure avec sa collaboratrice, il regarde le reportage de TF 1, stupéfait de voir que les documents du juge d’instruction y sont montrés. Le film n’est pas terminé qu’on frappe : le juge Jean-Wilfrid Noël est arrivé. Mais pas seul, c’est une vingtaine de personnes qui pénètrent dans notre appartement jusqu’au moment où il faut en faire ressortir certaines, car personne ne peut plus bouger. Le juge et sa greffière, le substitut du procureur, le Maréchal des Logis, des gendarmes, mais également des élèves magistrats stagiaires. Un véritable troupeau qui rentre dans une étable, sans précautions, au point qu’un gendarme va même poser une caisse sur un meuble chinois en laque noire. Je l’enlèverai devant la greffière en épinglant le manque de savoir vivre de cet individu.

Comme à son habitude, impoli, incorrect, le juge se rue dans l’appartement sans même avoir la politesse de nous demander la permission. Il est chez lui, en terrain conquis ! J’ai pris la peine de mettre une pancarte demandant « d’avoir la politesse d’ôter les chaussures avant de fouler la moquette de notre chambre », il n’en à rien a foutre.

Pensez-vous qu’il aurait la politesse de demander :

- Messieurs Baron et Jacquemin, pourriez-vous me faire visiter les lieux ?

Théocratique, il ouvre les portes, va dans notre chambre avec ses chaussures, ce que personne n’a jamais osé faire, se retrouve face à la photo du Christ, en ressort vivement comme giflé, rentre dans le bureau, et se retrouve face à la même photo, même retraite.

Il ne le sait pas encore, mais Jean-Wilfrid Noël est stoppé. Il n’y reviendra pas ! Apparemment nous n’avons pas les mêmes valeurs… Puis, il visite la salle de bain face à notre chambre…

Bien sage, je ne dis rien. Je le suis dans son parcours, il se retourne. Il me lance :

- Ouvrez les volets de la chambre !

- Ils étaient fermés, avez-vous demandé aux policiers si c’est eux qui les ont ouverts ?

- Ouvrez ces volets !

Personnellement, mes parents m’ont toujours appris à dire « s’il vous plaît » quand je demande quelque chose. Mais il est évident que nous n’avons pas eu la même éducation ! Après tout, peut-être qu’il n’a pas eu de père, Noël, pour l’éduquer ?

Maître Ordonneau, notre première avocate, n’est pas encore arrivée. Nous présentons Maître Lumbroso au juge Jean-Wilfrid Noël.

Sans lui dire bonjour, il me répond :

- Il y a un problème, sa désignation n’est pas conforme !

- Nous vous avons adressé un courrier en recommandé, pourtant.

- Il n’est pas conforme au texte du Code de Procédure Pénale.

- Ce n’est rien, Monsieur le Juge, répond Maître Lumbroso, nous allons régulariser par un procès verbal, c’est tout.

Ca commence bien, il n’a pas l’air d’apprécier le nouveau venu qui lui demande aimablement :

- Vous êtes là depuis longtemps Monsieur le Juge ?

- Pourquoi ? On se connaît ? répond-il, arrogant.

- Non, Monsieur le Juge, c’est parce que je ne vous ai jamais vu au TGI d’Evry que je me permets cette question.

- J’y suis arrivé en janvier 2004.

Sa greffière tape le procès verbal qui nomme Maître Lumbroso comme second avocat. La présentation ne lui convient pas, il s’approche du clavier et tape sur les touches.

- Ah non ! Vous ne touchez pas à mon ordinateur, je vous l’ai déjà dis ! lui rétorque t-elle.

Le juge Jean-Wilfrid Noël me regarde et ordonne :

- Il fait chaud, il y a beaucoup de monde, ouvrez la fenêtre !

Je propose qu’à l’examen de l’école de Magistrature de Bordeaux, on rajoute la politesse, le respect et l’humilité, ainsi certains seront recalés…

Arrivée de Maître Ordonneau, surprise de constater qu’il y a autant de monde dans notre appartement, sans compter les policiers qui sont dans le couloir, ceux qui sont dans l’escalier de l’immeuble et ceux qui ont essayé de l’empêcher de rentrer dans l’immeuble vu qu’elle n’avait pas sa carte d’avocat sur elle.

Le gendarme photographie toutes les pièces de l’appartement en les faisant évacuer afin de n’avoir personne sur les photos, un véritable exploit si l’on compte la vingtaine de personnes parquées dans le vestibule, la cuisine et le séjour. Je le laisse prendre les photo de mon bureau et lui demande si on y distingue les bijoux que j’ai disposé comme ils l’étaient la nuit de l’agression : deux montres à gauche de l’agenda, deux chevalières dans le cendrier, le briquet à côté et la chaîne disparue mais remplacée par son dessin découpé dans du papier. Il regarde sa photo et me répond que :

- Oui, on les voit bien sur la photo !

Merci, c’est ce que je voulais prouver.

Le juge nous avait demandé dans son courrier de préparer le double des vêtements mis sous scellés : « En cas de refus ou d'impossibilité de votre part de fournir ces vêtements, je me verrais contraint de faire procéder au bris des scellés puis à leur reconditionnement en présence du mis en examen et de son conseil. Cette solution comporterait l'inconvénient d'allonger de façon très significative la durée de la reconstitution ».

Alors, c’est avec surprise, après tout ce charivari, que nous voyons les gendarmes sortir les scellés et commencer à les photographier. Pourquoi nous a-t-il alors demandé cela ? Est-ce sa première reconstitution ?

Le premier scellé annoncé par le gendarme est le numéro X. Le juge réplique :

- C’est le petit couteau avec le manche noir et la bague dorée.

Je me marre… Et lui réponds :

- Non ! C’est le grand couteau ! Le petit couteau à manche noir avec la bague dorée, c’est le scellé numéro XX.

Silence gêné ! Un des futurs magistrats en formation se tourne…

Le policier ouvre la pochette Kraft, le juge Jean-Wilfrid Noël a perdu ! Puis il ouvre le scellé XX, c’est le petit couteau. Je crois discerner un sourire, bien que discret, sur le visage d’un des représentants de la justice présents.

Puis vient l’ouverture de tous les scellés renfermant les vêtements. Je leur donne à chaque fois le vêtement correspondant préparé sur lequel nous avons attaché un papier avec le numéro de scellé.

Le gendarme brise les scellés en indiquant le numéro et l’objet en question :

- Une paire de chaussette (scellé ZZ),

- Un jean’s (scellé XF).

Puis il indique en prenant la pochette :

- Un slip (scellé FG),

Je fais remarquer qu’il s’agit en réalité du scellé TY, et que le scellé FG, c’est le débardeur ; le juge se crispe.

Le gendarme ouvre le sachet et trouve… le débardeur, il trouvera le slip dans l’enveloppe scellé TY … L’inversion a certainement été faite lors des analyses d’ADN puisque là, sur le compte rendu d’analyses les numéros sont exacts. On continue :

- T-shirt bleu avec manches courtes (scellé PI),

- Un bermuda (scellé MH).

J’ai même préparé les deux scellés que le juge a oublié de nous demander dans son courrier, le pull « de type camionneur » (scellé AZ), la paire de chaussure (scellé OL), alors qu’il nous demandait de préparer un T-shirt noir. Nous lui avions répondu que s’il désirait une reconstitution exacte, c’était à nos voisins qu’il devait demander ce vêtement. Le gendarme photographe prend les vêtements et les scellés en photos.

Quand c’est terminé, il me reste le sweat-shirt gris, sans numéro de scellé.

- Nous ne l’avons pas !

- Pourtant, c’est ce que portait le mis en examen ce soir là ! C’est même visible sur le film.

- Quel film ? me demande hypocritement le juge Jean-Wilfrid Noël après que le substitut du Procureur lui ait, discrètement, posé la question.

Je le regarde étonné.

- Mais, le reportage télévisé du Droit de savoir qui a diffusé les photos qui étaient sur votre bureau ainsi que celle de la caméra vidéo de notre parking.

Nouveau silence ! Je précise :

- Ce sweat-shirt est même indiqué sur le procès verbal du lieutenant Volle, le NB !

Là, si ses yeux avaient été des mitraillettes, j’étais mort…

- Bon, on ne va pas perdre de temps. On continue !

Pendant que les gendarmes rangent les scellés ouverts dans une poche plastique, je fais visiter l’appartement à Maître Ordonneau pour qu’elle ait le plan des lieux en tête. Nous nous retrouvons avec Monsieur Sanchez dans le couloir qui mène aux chambres et je demande alors à l’avocate :

- Avez-vous donné notre numéro de téléphone portable à Monsieur Sanchez ?

- Certainement pas, voyons ! répond elle indignée.

Maître Lumbroso qui est à côté de nous me dit :

- Un avocat ne peut pas, déontologiquement, donner les coordonnées d’un client.

Je regarde notre Maréchal des Logis.

Donc, s’il est écrit dans son rapport, comme vous nous l’avez lu, qu’il vous a téléphoné pour obtenir mon numéro de portable, il ment ?

- Bien évidemment que je ne le lui ai pas donné, puisqu’il l’avait.

- Dois-je en conclure que Monsieur Sanchez ment dans le rapport qu’il a fait au juge ?

Celui-ci ne répond pas, gêné, et préfère s’éloigner…

Les photos se terminent et Monsieur le Juge Jean-Wilfrid Noël prend un ton solennel pour nous avertir :

- Nous allons à présent commencer la reconstitution, c’est très important puisque Monsieur Remache risque la réclusion, que deux victimes ont failli mourir et gardent des séquelles, je vous demande ainsi à tous que cela se déroule dans des conditions d’équité et de dignité.

Jusque-là, ça va !

- Nous commençons, Madame la greffière vous notez : il est 22 H 30, les invités viennent de quitter l’appartement ; que ce passe-t-il à présent jusqu’à 00 H 30, heure à laquelle le voisin Monsieur Abderrazak voit un jeune homme partir à pied de l’immeuble ?

Fabien s’élance :

- Ce n’est pas possible, j’ai appelé les pompiers à 00 H 39, il était dans la chambre.

Je continue :

- Personne n’a jamais déclaré être parti à 22 H 30. Toutes les déclarations sont conformes pour dire que cela s’est situé entre 23 H 30 et 23 H 45.

- Ca suffit ! lance le juge.

Les avocats lui demandent alors de respecter les procès verbaux, lesquels indiquent :

Joël : Nous sommes restés tous les 5 jusqu’à 23 H 30.


Nadège : Nous avons quitté le domicile de Jean-Michel vers 23 H 40 et nous avons regagné notre domicile.

Jean-Michel Jacquemin : Vers 23 H 30 Nadège et Joël sont partis.

Lieutenant Volle : Après le départ des invités vers 23 H 45 Fabien et Mustapha ont repris un verre ensemble tandis que M. Jacquemin rangeait la cuisine…

Jean-Michel Jacquemin : Ces deux personnes nous ont quittés vers 23 H 30.

Abderrazak K., le voisin de palier : Soudain, nous avons entendu des cris. Il devait être environ 24 H 30. Nous n’avons pas fait attention de suite, pensant qu’il s’agissait de bruits provenant des voisins du 3e étage qui se disputent fréquemment. Il y avait des cris du bruit c’était confus.Des personnes tambourinaient à notre porte en appelant au secours. Nous ne pensions pas qu’il s’agissait de nos voisins de palier.


Nous avons téléphoné au plus vite à la police, (appel 17)… C’est moi qui ai passé cet appel et ma femme entre temps est allée voir à l’œilleton de notre porte, car le calme était revenu. Nous avons ensuite ouvert la fenêtre de notre chambre pour prendre l’air et guetter l’arrivée de la police. Nous avons alors vu un jeune homme traverser la rue du Pileu et semblant quitter notre allée d’immeuble….

Le premier requérant des secours a passé son appel à partir de la ligne 01 60 ..

L’appel « 18 » est intervenu le 26/05/02 à 00 H 44.

Alerte « 18 » à 00H 44 départ à 00 H 46.

La ligne 01 60 XX (ligne des victimes). Relevons un appel vers le « 18 » en date du 26/05 à 00 H 39 (13s)

C’est donc extrêmement clair, tout le monde est d’accord pour un départ entre 23 H 30 et 23 H 45 ! Pourquoi le juge Jean-Wilfrid Noël veut-il avancer d’une heure le départ des invités ? Ne connaît-il pas son dossier ?

Veut-il avoir une heure creuse afin de la meubler avec une partouze éventuelle ?

Je propose qu’à l’avenir, l’examen de l’école de Magistrature de Bordeaux, on rajoute une nouvelle matière : la lecture.

D’autre part, nous sommes assez surpris que le juge se permette d’appeler notre ancien voisin par son prénom, à moins qu’ils ne soient très intimes, peut-être ne sait-il pas qu’Abderrazak est un prénom !

Première altercation avec Maître Lumbroso qui veut faire acter notre intervention et la différence d’une heure, soit le double de temps passé !

Le juge en colère d’être contredit devant tous ses élèves stagiaires demande alors à Mustapha de s’asseoir dans le canapé à l’endroit où il était ce fameux soir. Il s’assoit à l’extrémité du canapé et explique que Fabien était à l’autre extrémité. Il regardait la télévision, le juge la cherche. Je lui fais remarquer qu’elle est dans le meuble qui est derrière lui et dont il faut ouvrir les portes. Il est déjà tellement énervé qu’il n’y arrive pas. Je viens les ouvrir, il allume la télévision – ça il sait faire – et demande au photographe de prendre une photo.

Excellente initiative qui prouve que Mustapha mentait puisque les photos de la soirée de l’agression montrent le meuble fermé, donc pas de télévision en fonction ce soir-là. Je commence à apprécier. Mais une fois de plus, loin de laisser en état, il éteint et referme les portes du meuble alors qu’il aurait dû couper le son mais laisser fonctionner le téléviseur avec les portes du meuble ouvertes.

- De quoi parliez-vous avec Monsieur Baron ? demande t-il au mis en examen.

- Il me parlait de sa femme, moi de mon travail, des papiers qu’il est difficile à avoir… et je regardais la télévision.

- Comment étiez vous habillé ce soir-là ?

- J’avais mon jean’s et un T-shirt gris.

- Avez-vous un T-shirt en dessous votre pull ? Enlevez-le ! Vous êtes-vous déshabillé ?

- J’ai demandé un pyjama, mais comme ils n’en avaient pas, je me suis mis en T-shirt et en caleçon noir.

Là, le Juge Jean-Wilfrid Noël se tourne vers sa greffière :

- Je ne vais pas dire « Monsieur » à chaque fois.

Puis les propos sont retranscrit tels quels sur le procès-verbal :

Question à Remache :

« Comment étiez-vous habillé ? »

Réponse du mis en examen :

« J’étais en caleçon et en T-shirt ».

- Cela ne va pas, ce n’est pas cela ! L’interrompt Maître Lumbroso. Je vous demande d’acter la réalité des propos tenus par le mis en examen, Monsieur le juge.

- Mais vous êtes qui, vous, pour me parler ainsi ? lui rétorque le juge sur ses ergots.

- Je suis un avocat, Monsieur le juge, qui doit faire respecter l’exactitude de la reconstitution, il vous a dit qu’il était en jean, pas qu’on lui avait demandé de l’enlever, vous ne pouvez donc pas écrire qu’il était en caleçon immédiatement.

- C’est moi qui dirige, je fais comme je l’entends.

- Mais ça ne va pas Monsieur le Juge, tente d’intervenir Maître Ordonneau, ce n’est pas ce qu’il a dit.

Les apprentis magistrats s’amusent de l’altercation qui commence. Le juge Jean-Wilfrid Noël continue de dicter à sa greffière, Maître Lumbroso l’interrompt :

- Vous refusez d’acter mon désaccord sur la retranscription du procès-verbal ? Dans ces conditions, si vous ne respectez pas les faits, la reconstitution est terminée ! Dehors, messieurs.

Maître Lumbroso se lance alors dans une opération de recadrage pédagogique de la magistrature française relatif au respect de l’éthique républicaine et démocratique. Il ne peut laisser violer l’article 120 du Code de Procédure pénale, ainsi que l’article 6-5 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, sans réagir.

Il s’agit en l’espèce du principe de l’égalité des armes défini par la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et notamment de trois arrêts des 27 Octobre 1993 et 22 Février 1996 qui disposent que l’égalité des armes implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause - y compris ses preuves- dans des conditions qui ne la place pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Dans ce contexte la Cour attribue une importance aux apparences autant qu’à la sensibilité accrue aux garanties d’une bonne justice. Le principe d’égalité des armes ne dépend pas d’une absence d’équité supplémentaire, quantifiable et liée à une inégalité de procédure. C’est à la défense qu’il appartient d’apprécier si les observations méritent réaction.

C’est parti ! Pareil à une diva capricieuse, il pète les plombs :

- Je ne suis tout de même pas dictatorial ! lance-t-il théâtral, sans avoir l’air de plaisanter.

- Messieurs les gendarmes ! Je veux deux gendarmes ! Vous me le sortez dans le couloir, je ne veux plus le voir.

Le substitut tente d’intervenir pour apaiser les choses, mais, en vain. Maître Ordonneau également.

Et, là, imbu de son autorité, théocratique, Monsieur le Juge Jean-Wilfrid Noël se livre à un chantage dont il prend à présent l’habitude, non seulement devant Maître Ordonneau, comme le 15 mars précédent dans son bureau, mais cette fois-ci devant le Substitut du Procureur de la République, devant Maître Turpin, devant la collaboratrice de Maître Lumbroso évincé et devant tous ces élèves magistrats, ainsi que devant la dizaine de gendarmes présents :

- Puisque c’est ainsi, je vais faire relâcher Monsieur Remache, il a fait 18 mois de prison, c’est suffisant, je le fais libérer.

Pauvre homme, non seulement son orgueil en a prit un coup, mais il se ridiculise, à l’instar d’un enfant capricieux de cinq ans à qui ses parents refuseraient une glace ou un jouet, et il montre en outre sa méconnaissance de la loi française puisque, sans papier, le mis en examen ne peut-être relâché…

Quelle leçon, quel exemple pour les futurs magistrats français qu’il a amenés chez nous !


Et dire que le jour même, Jean-Marie Burguburu, Bâtonnier de Paris écrivait un article intitulé : « Non, les avocats ne se tairont pas », dans Le Figaro dans lequel on pouvait lire : « Oui, l’avocat qui assiste son client est un gêneur pour le juge d’Instruction. Lui dénier ce rôle, central et indispensable pour la personne poursuivie, mais irritant pour le Parquet, pour le magistrat instructeur, pour le tribunal, pour la victime même, c’est tourner le dos aux impératifs pressants de la démocratie et d’une société évoluée ».

Quelle ironie ! Monsieur le juge Noël ne lit pas Le Figaro !

Imaginez, Monsieur le juge, que cette fois-ci, ce soit nous qui ayons eu envie d’enregistrer avec des micro et des caméras cachées derrières les tableaux ou certains meubles votre reconstitution et que nous préparions à notre tour, un Droit de savoir…

C’est terminé, il n’y a plus qu’à remballer tous les scellés, ce qui prend encore une heure et va tâcher notre appartement d’une cire rouge très difficile à nettoyer par la suite. Les gendarmes s’installent sur le meuble en laque noire de l’entrée qui sera rayé et abîmé. Cela s’appelle, je crois : « détérioration volontaire de biens privés par des membres des forces de l’ordre »…

Pendant ce temps, le juge dicte le procès-verbal à sa greffière. Il est tellement énervé qu’il dicte « Jacquemin » pour le mis en examen, à la place de « Remache ».

Lapsus très révélateur, Monsieur le Juge Jean-Wilfrid Noël !

Maître Lumbroso est désormais exilé dans le couloir de l’immeuble, en dehors de l’appartement. Notre avocate nous fait part de ses regrets que la reconstitution n’ait pas lieu, mais nous sommes entièrement d’accord avec Pierre Lumbroso : mieux vaut pas de reconstitution plutôt qu’une fausse reconstitution. Le substitut ne bronche pas, l’avocat de notre agresseur se marre, ça l’arrange bien cette interruption, son client commençait à peine à se mélanger les pinceaux…

Pendant qu’ils remballent, je retrouve notre Maréchal des Logis sur la terrasse. J’attaque !

- Ca ne vous dérange pas de faire de faux rapports ? Quand vous serez à la barre - parce que nous vous ferons venir lors du procès - il vous faudra expliquer ce que Monsieur Baron vous a dit en plus depuis qu’il a « recouvré » la mémoire… Il n’a jamais changé sa version. Ce qu’il a déclaré à sa sortie de coma et au SRPJ le 17 juillet, c’est ce qu’il vous a répété dans sa déclaration, alors si vous trouvez que nos déclarations « collent », c’est qu’elles collaient déjà à l’époque en juillet 2002.

- Je ne peux pas parler de l’enquête avec vous.

- C’est bien dommage, car quand vous acceptez un faux témoignage de policier, vous êtes complice et il vous faudra vous en expliquer. Il en est de même pour notre numéro de téléphone portable : vous avez menti, notre avocate en témoigne.

Ce soir, il n’a pas de chance le MDL, Fabien venait également de régler ses comptes :

- Lorsque nous avons été interrogés dans votre service, que nous vous avons relaté les faits, nous vous avons révélé des événements très graves concernant le déroulement de l’enquête. Or, aucune de ces révélations n’a motivé de réaction sur vos comptes rendus au juge, ni de réaction de la part de ce dernier.

- Je ne peux pas parler de l’enquête avec vous.

Notre avocate est atterrée de la tournure que prennent les événements. Le procès verbal est terminé, le juge me le tend pour que je signe :

- Monsieur Jacquemin, à vous l’honneur.

Je lis, heure de départ des invités : lorsque les amis partent, 22 H 30.

- Mais vous ne l’avez pas changé ?

- Non, vous me ferez une fiche rectificative !

Je sais ce qu’il pense des « mes velléités de littérature », je n’ai pas de temps à perdre. Je continue la lecture, j’y apprends que « Monsieur Remache a été très coopératif » ! Et nous donc ? Avec tout ce bordel, il n’y a pas d’autre terme, dans notre appartement tâché de cire rouge partout, de traces de chaussures sales, etc ? Avec tous les vêtements que nous lui avons préparés, n’avons-nous pas été coopératifs ?

- Et bien, désolé, je ne signe pas, Monsieur le Juge !

- Monsieur Baron, vous signez ? demande t-il à Fabien, qui me regarde interrogateur.

- T’as signé ?

- Non !

- Et bien, je ne signe pas non plus. Bonsoir !

- Tu va faire plaisir à Monsieur le Juge, lui qui dit déjà que tu es dominé…

Regard furieux… Moi, je souris.

À présent, Maître Lumbroso est enfin autorisé à rentrer dans l’appartement, son exil forcé est terminé. De toute sa carrière il n’a jamais vu un tel juge, sa collaboratrice non plus.

Les gendarmes emmènent enfin notre agresseur, à nouveau menotté, hors de l’appartement. Monsieur le juge Jean-Wilfrid Noël et sa cour vont partir, Monsieur le Substitut nous salue, le juge passe devant nous, regarde Maître Lumbroso et lui dit méchamment, voire haineusement :

- Vous, je ne vous salue pas ! Puis il sort, impérial, la tête haute.

Mais, impoli comme à son habitude, il ne nous dit pas au revoir et ne saluera même pas Maître Ordonneau qui, choquée va aller jusque dans le couloir : trop tard, il est parti sans la saluer. C’est la retraite de Russie, la Bérézina !

C’est très énervés, excités et assommés que nous nous retrouvons à 1 H 30 du matin incapables de dormir dans un appartement qui n’a connu aucun minimum de respect de la part des représentants de l’ordre ou de la justice française et qui reste à nettoyer de fond en comble le lendemain. La facture de nettoyage du tapis chinois qui se trouve dans le vestibule et sur lequel pas moins de trente personnes ont piétiné durant trois heures sera naturellement adressée au juge pour son remboursement.

Le lendemain chaque avocat nous appelle et Maître Ordonneau nous apprend que le juge l’a personnellement appelée durant une demi-heure.

Le discours a changé, se serait-il fait remonter les bretelles par le Parquet ? Elle nous fait part de la conversation :

- Cet incident est très regrettable pour vos clients, j’avais listé un grand nombre de contradictions dans les déclarations de Monsieur Remache alors que vos clients, je dois le dire, ont toujours eu le même discours. Je voulais confondre Monsieur Remache qui au début déclarait avoir agressé vos clients dans la chambre et puis, ensuite, une nouvelle version dans laquelle il les aurait agressés dans l’entrée. En réalité, il a changé sa version car dans le premier cas il n’était pas en légitime défense alors qu’il l’était dans sa nouvelle version. Je vais donc l’auditionner prochainement sur ses contradictions.

La nuit portant conseil, Monsieur Noël a dû réfléchir à sa conduite. Mais il a tout bonnement oublié les termes de l’article 120 du Code de Procédure Pénale qui dispose dans son deuxième alinéa que : « le Juge d’Instruction détermine, s’il y a lieu, l’ordre des interventions et peut y mettre un terme lorsqu’il s’estime suffisamment informé. Il peut s'opposer aux questions de nature à nuire au bon déroulement de l'information ou à la dignité de la personne. Mention de ce refus est portée au procès-verbal. Les conclusions déposées par le procureur de la République ou les avocats des parties et du témoin assisté afin de demander acte d'un désaccord avec le juge d'instruction sur le contenu du procès-verbal sont, par le juge d'instruction, versées au dossier.

Ces dispositions ont été insérées au Code de Procédure Pénale par une loi récente en date du 9 Mars 2004 entrée en vigueur le 1er Octobre 2004. Cette loi avait pour but de protéger les droits de la défense et notamment permettre aux conseils de pouvoir faire acter dans des formes contradictoires le désaccord qu’ils pouvaient avoir sur les méthodes d’interrogatoire du Juge d’Instruction.

Monsieur le Juge Noël n’a pas respecté ce droit fondamental, ce qui est d’autant plus dommageable lorsque ce non-respect touche des victimes qui ont failli perdre la vie au cours d’une agression particulièrement violente et traumatisante.

En voulant pervertir délibérément le scénario de la reconstitution, Monsieur le Juge Jean-Wilfrid Noël est tombé sur un avocat qui n’a nullement été impressionné par son arrogance, son insolence et son impolitesse.

Nous avions sollicité cette reconstitution et à aucun moment, nous n’avons eu l’intention de mettre à néant les espoirs fondés sur la manifestation de la vérité qui aurait pu découler de cet acte d’instruction. Il est donc navrant pour toutes les parties que ce dernier acte n’ait pu avoir lieu dans des conditions d’équité et de dignité comme le juge l’avait lui-même défini oralement en préambule.

Enfin, une chose nous aura beaucoup amusé, en l’occurrence que nous n’avions jamais eu autant d’homosexuels dans notre appartement…

Et bien voilà, Monsieur le Juge fonctionne à la trique ! Il fallait qu’il tombe sur Maître Lumbroso pour qu’il ouvre les yeux.

« La voie est ouverte… »

Au 20 juin, nous apprenons que le juge d'instruction Jean-Wilfrid Noël porte plainte contre l'avocat Pierre Lumbroso à cause de son attitude pendant la reconstitution avortée... Pitoyable.




Tchernobyl - Chronique d’une reconstitution annoncée… (Vie pratique - Autres)    -    Auteur : GREG - Pologne


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dernière mise à jour : 2007-08-20

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