Un témoignage concernant la disparition entière d'un régiment britannique au cours de la première guerre mondiale.
Cet incident eut lieu lors de la première guerre mondiale, au cours de la campagne de Gallipoli, en Turquie, le 28 août 1915. La mention d’un nuage ou brouillard enveloppant rappelle les disparitions du Triangle de Bermudes (ce fait intervint d’ailleurs à la même latitude et dans les parages d’une zone de fracture de l’écorce terrestre). En dépit de la confusion et de l’incertitude susceptibles d’entourer le compte rendu d’un incident s’étant produit au combat, le rapport des témoins sur la disparition inexpliquée du 104ème régiment Norfolk dans les parages de la cote 60, à Sulva Bay, n’en est pas moins précis, clair et totalement déconcertant.
Bien que tout le régiment eût été porté disparu, des témoins appartenant au A.N.Z.A.C. (corps d’armée australien et néo-zélandais) ainsi qu’aux forces turques affirmèrent que les soldats britanniques n’étaient pas entrés en contact avec l’ennemi. D’après les observateurs de la 3ème section de la première compagnie du corps expéditionnaire néo-zélandais, le 104ème régiment Norfolk entra dans un bizarre nuage flottant à ras de terre à proximité de la cote 60, à Sulva Bay, et ne reparut jamais. Les témoins de l’incident notèrent que le temps, en cette matinée du 28 août 1915, était très beau. Un document commun signé par les sapeurs F. Reichart (n° matricule 4/165), R. Newnes (13/146) et J.L. Newman (matricule non fourni) décrit ainsi ce que ces hommes virent :
Témoignage :
... Le jour se leva, très clair, visibilité parfaite... à part six ou sept nuages en forme de " miches de pain " - tous absolument identiques - qui s’aggloméraient au-dessus de la cote 60. Malgré une brise de six à sept kilomètres à l’heure venant du sud, ces nuages ne changèrent ni de position, ni de forme, pas plus qu’ils ne se dispersèrent sous l’effet du vent. De notre poste d’observation, à cent cinquante mètres d’altitude, nous les distinguions sous un angle de soixante degrés. Egalement stationnaire et reposant sur le sol exactement au-dessous de ce groupe de nuages, il y en avait un autre, analogue par la forme, mesurant environ deux cents cinquante mètres de long, sur soixante de haut et de large. Ce nuage était particulièrement dense, presque solide dans sa structure ; il se trouvait à une distance d’environ trois ou quatre cents mètres de l’engagement se déroulant sur le territoire tenu par les Britanniques. Tout cela fut observé par vingt deux hommes des 1ère et 3ème compagnies néo-zélandaises, depuis nos tranchées de l’éperon Rhododendron, à environ deux milles cinq cents mètres au sud-ouest du nuage rasant le sol. Notre emplacement nous permettait de surplomber la cote 60 d’une centaine de mètres. Il se révéla par la suite que ce singulier nuage enjambait le lit d’un cours d’eau à sec ou une route encaissée (Kaiajik Dere) et nous distinguions parfaitement les flancs et les extrémités du nuage reposant sur le sol. Il était de couleur gris clair, tout comme les autres.
Un régiment britannique, le 104ème Norfolk, comprenant plusieurs centaines d’hommes, fut aperçu alors qu’il avançait le long de cette route encaissée ou lit de rivière en direction de la cote 60. Il paraissait se porter en renfort des troupes engagées sur cette position. Pourtant, parvenus à hauteur du nuage, les hommes pénétrèrent dans le rideau de brume sans marquer la moindre hésitation, mais aucun des soldats n’en sortit pour prendre part aux combats de la cote 60. Environ une heure plus tard, quand le dernier homme eut disparu dans le nuage, celui-ci se souleva de terre discrètement et, comme n’importe quel autre nuage ou banc de brume, s’éleva jusqu'à ce qu’il rejoignît les autres nuages du même genre déjà mentionnés au début de ce rapport. Pendant tout ce temps, ceux-ci avaient stationné au même endroit mais, quand l’insolite nébulosité du sol les eut rejoints, tous s’éloignèrent vers le nord, c’est-à-dire vers la Thrace (la Bulgarie). Au bout d’environ trois quarts d’heure, ils avaient tous disparu.
Le régiment mentionné fut porté " manquant " ou " anéanti ", et lorsque la Turquie déposa les armes en 1918, la Grande-Bretagne exigea le retour immédiat du 104ème Norfolk. Les Turcs affirmèrent que ce régiment n’avait pas été fait prisonnier, qu’ils n’avaient pas eu d’affrontement avec lui et qu’ils ignoraient jusqu'à son existence. Durant la guerre 1914-1918, un régiment britannique comptait de huit cents à quatre mille hommes. Nous, qui avons observé l’incident, pouvons témoigner du fait que les Turcs ne firent pas ce régiment prisonnier et qu’ils n’entrèrent pas en contact avec lui...
La disparition de bien des hommes engagés dans une bataille peut souvent être expliquée par le simple désir de survie, mais il n’en est pas moins étonnant que, jamais, aucun de ces soldats ne donnât signe de vie. S’il est possible que les hommes du 104ème régiment Norfolk soient entrés dans une autre dimension, souhaitons que leur nouveau continuum ait été moins menaçant que celui qu’ils venaient de quitter car, comme l’indique le nombre des victimes de la campagne de Gallipoli, ils n’avaient guère le choix entre le désastre et la mort. Peut-être l’alternative inconnue fut-elle la bienvenue.
Copyright Flammarion (c) 1978
Extrait du livre Sans trace - Le Triangle des Bermudes 2 |
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